Nabil, pas plus haut que trois pommes, âgé d’un peu plus de six ans, apostrophe d’une petite voix son géniteur: «Avec ton colon, tu devrais manger autre chose que de la loubia, papa ! Du poisson blanc est très indiqué pour le mard ntaâque ! ».
Le père suspend sa cuillère et jauge son enfant en tentant de lire dans ses pensées. Il savait pertinemment que sa remarque avait un double sens. «Tu t’inquiètes pour ma santé, waldi, ou tu as envie de poisson blanc?», rétorque-t-il. Entre deux bouchées, Nabil explique en ignorant la question de son géniteur. «Pourquoi à la télé on dit que l’on devrait manger au moins trois fruits et deux légumes fe n’har et que l’on ne doit pas grignoter entre les repas» ? Le père réfléchit un moment sans parvenir à saisir où veut en venir son fils. Ce dernier renchérit en souriant, après trois cuillères de loubia. «C’est pas fortiche, papa ! C’est parce que, tout simplement, il ne faut pas croire tout ce qu’on montre dans les films à la télé ! C’est toi li goultli».
Pour éviter de s’étaler sur ce sujet, le père détourne l’attention de Nabil en abordant un autre thème. «Qu’est-ce tu as étudié à l’école ce matin» ? Un grand sourire éclaire le visage de l’enfant qui s’empresse avec gaité de cœur de dire: «La maîtresse nous a demandé de ramener chacun un flacon dans lequel nous mettrons un peu de terre et d’eau. Elle va nous apprendre comment planter de la loubia » ! Le père ne semble toujours pas comprendre ce que son fils veut insinuer. Nabil le devine et renchérit avec la même gaîté: «Notre maîtresse n’aime regarder que les moussalsalète à la télé. Elle déteste la publicité, comme toi papa ». Comme quoi, à malin, malin et demi.
Hada jil wala wach ? Nabil est toujours sur ses gardes, il répond du tac au tac et n’est jamais pris au dépourvu. Il sait nuancer ses propos, dire une chose tout en pensant à son contraire. Jil faten bezef. Dans quelle marmite sont-ils cuits ?
23 janvier 2011
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