Pour plusieurs raisons, même le mauvais temps, la marche à laquelle avait appelé Saïd Sadi n’a pas rassemblé grand monde. De l’avis des nombreux présents tant au siège du RCD à Didouche Mourad qu’à la Place de la Concorde, les partisans de ce parti n’ont pas brillé par leur présence. Pour autant, était-ce une raison valable pour dire que les objectifs de cet appel n’ont pas été atteints ? Là, seul le patron du RCD
peut en dire quelque chose. Mais, à Alger, avec une température de 10 degrés centigrades et avec un second jour de week-end, était-il réaliste de penser à ce que cette marche soit couronnée de succès, même si elle a été interdite par les autorités ? Non bien sûr, car les vrais motifs de cette désaffection sont peut-être là où on les cherche le moins. Dans la conjoncture politique actuelle, il semblerait que la Rue algérienne soit blasée de promesses, de marches et de contremarches qui ne mènent à nulle part. Il y a eu des émeutes du sucre et de l’huile, la Rue a grondé, mais elle s’est par la suite tue. Pourquoi ? On n’en sait rien, n’est-ce pas ? Et même si on sait quelque chose, quelqu’un va intervenir de loin pour dire qu’il ne faut rien dire. Comme ça, pour laisser les choses opaques, pour que tout baigne dans l’huile de plus de 120 dinars le litre. Et puis, pourquoi marcher un jour de week-end, le jour de repos de l’Algérien moyen, celui qui se lève toute la semaine sauf le vendredi et le samedi de bonne heure pour aller chercher un salaire quotidien dont la moyenne ne lui permet même pas d’acheter le soir venu un bidon d’huile de 5 litres, un kilogramme de sucre et une bouteille de limonade pour le dessert ? C’est comme ça, la Rue algérienne est devenue terriblement calculatrice, et si y a rien de comestible ou de concret derrière une marche, eh bien, on ne marche pas. C’est presque une supplication que de demander à cette Rue de sortir manifester pour obtenir le gain du match contre le Brésil, ses préoccupations actuelles étant à mille lieues de celles des microcosmes politiques d’ici et d’ailleurs. Certes, les analystes vont décortiquer les réelles motivations de cette absence de la Rue dans la marche de samedi, ou peut-être de celles à venir, sans idée de fixation sur un quelconque parti politique, car ce qui s’est passé au début de janvier 2011 est vraisemblablement révélateur des nouvelles tendances politiques des Algériens. On ne manifeste, dorénavant, c’est comme un slogan sportif, que pour la Bouffe, les visas et la harga ! Façon nouvelles tendances politiques qui bruissent dans les cours des immeubles des grandes villes du pays. Aller se faire tabasser pour de la politique, c’est assurément un engagement qui ne fouette pas les jeunes générations qui préfèrent des slogans plus consistants, plus proches de leurs préoccupations sociales, de leurs idéaux de quartiers, de leur sociologie de la Rue. Et, hormis les militants du RCD, beaucoup s’étaient demandé où était passé le vrai « mouvement de marcheurs » qui donne du poids à une marche que l’on veut politique. Car, en face, il y avait de la résistance, un service d’ordre dont la consigne était d’empêcher cette marche. Dès lors, il était presque sûr que ceux qui sont déjà blasés de tout, qui sont fatigués de marcher en rond à longueur d’années ne soient pas au rendez-vous. Le seront-ils d’ailleurs un jour ? Et ce n’est même pas la configuration de «marche ou crève !».
23 janvier 2011
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