«La Tunisie est le meilleur pays arabe où il fait bon vivre», selon le classement établi en février 2009 par International Living. Pour le touriste occidental, qui passait ses vacances sur la côte tunisienne sans voir la souffrance silencieuse des Tunisiens, le pays du jasmin offrait toutes les commodités.
Les tours-operators qui transportaient les millions de touristes européens donnaient une image idyllique du pays, vantant sa beauté, son passé antique et mauresque, sa stabilité, l’hospitalité de ses habitants, sa cuisine, son thé, son folklore. De plus, une police omniprésente veillait au grain, à ce que le touriste ne soit pas importuné par ceux des Tunisiens qui tentaient de l’informer de la réalité du pays. Aussi rien d’étonnant que les Européens découvrent le soulèvement d’un peuple qu’il pensait heureux contre un régime dictatorial. C’est que leurs gouvernements, notamment celui de France, soutenaient mordicus Ben Ali. Les démocrates tunisiens, je pense à mon ami Mouhieddine Cherbib, contraint à l’exil en France, condamné par contumace dans l’affaire du bassin minier de Gafsa, à plusieurs années de prison pour «complot terroriste contre l’Etat». Son crime ? Avoir alerté l’opinion internationale sur la répression des grévistes du bassin minier de Gafsa ! Et que dire de Kamal Jendoubi, à la ressemblance frappante avec le regretté Noureddine Zenine, exilé en France, à qui les autorités tunisiennes avaient refusé de lui renouveler son passeport, et qui a été refoulé comme un malpropre en 2010 au Maroc ! Aujourd’hui, après la chute du régime de Ben Ali, on a du mal à mesurer le combat tenace de ces exilés tunisiens qui n’ont cessé d’alerter l’opinion internationale sur la violation des droits de l’homme, organisant des rassemblements en France, parfois devant moins de 100 personnes, où les sbires de Ben Ali les agressaient en toute impunité, à l’arme blanche en France même, sans craindre d’être interpellés par la police de Sarkozy ! Ben Ali est tombé, en fuite, abandonné par la France de Sarkozy qui l’avait soutenu jusqu’au bout, n’ayant trouvé refuge qu’en Arabie saoudite, mais ses hommes et le système qu’il a mis en place sont toujours là. Certes, Mouamar Kadhafi est bien le seul dirigeant arabe à le soutenir. Mais curieusement, il ne lui a pas accordé l’asile. Il n’empêche, redoutant la contagion tunisienne, le régime libyen tente de déstabiliser la Tunisie. Massoud Romdani, syndicaliste, président du comité de soutien aux mineurs du bassin de Gafsa, que j’ai eu récemment au téléphone, est formel. «La Libye arme les milices de Ben Ali. Des voitures transportant des armes venant de Libye ont été interceptées par l’armée», assure-t-il. « Mouamar a peur ! il redoute une Tunisie démocratique», ajoutait-il. Pas que Kadhafi, mais tous les autocrates arabes pour qui la succession dynastique – en Syrie, en Egypte, et même en Algérie – tient lieu d’alternance. Les régimes arabes et maghrébins, jusque-là à l’écart du vent démocratique qui souffle sur la planète, se murent dans un silence de plomb. Pour ces régimes despotiques, les idées de démocratie et de droits de l’homme sont étrangères «à nos valeurs», des idées occidentales importées par des laïcs occidentalisés coupés de leur peuple. Voilà qu’à leur tour, à l’instar de l’Amérique latine et des pays asiatiques, ils voient avec inquiétude arriver les valeurs de démocratie, de droits de l’homme. Surtout, c’est à souligner, qu’en Tunisie, ce ne sont pas les islamistes qui étaient à l’avant-garde de la lutte du peuple tunisien. «Ce mouvement populaire portait des revendications laïques», me faisait remarquer au téléphone Hama Hammami, porte-parole du PCOT (Parti communiste ouvrier tunisien), mari de l’avocate Radhia Nasraoui. «Les gens scandaient ‘’Liberté, travail, dignité’’, des mots d’ordre de la gauche, et non des mots d’ordre islamistes», ajoutait-il. Pendant ce temps, au Caire, le sommet des chefs d’Etat arabes se déroule en l’absence d’un des leurs. Triste.
H. Z.
Source de cet article :
21 janvier 2011 à 0 12 41 01411
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