Le Carrefour D’algérie
Point de vue
Par Ahmed Meskine
De grâce, ne vous lassez pas!
Quoi de plus normal qu’un désordre après une situation exceptionnelle et inattendue comme celle que vient de vivre le peuple tunisien? Il faut comprendre que c’est l’ordre politique qui a été complètement bousculé après des années de silence. Il faut aussi retenir que l’armée a joué le rôle de protecteur des libertés en gardant ses distances et laissé la police agir conformément
à ses missions constitutionnelles avec ses dépassements habituels liés à ce corps. L’essentiel pour les Tunisiens c’est de s’être débarrassé de la famille des Ben Ali. La famille, un terme qui sonne fort dans les pouvoirs arabes. Le reste, tout le reste est à construire petit à petit. D’abord faire revenir l’ordre et mettre fin à toute violence de quelque côté qu’elle vienne. Ensuite se concentrer sur les institutions et sur l’émergence d’une véritable société plurielle avec le respect des limites de chacun et la garantie des libertés publiques qui permettent à tous de participer à l’effort de développement, dans la différence. Ainsi, la verte Tunisie offrira un modèle aux pays arabes et africains longtemps muselés, méprisés, exclus. Longtemps dépendant de groupes maffieux qui se sont accaparés des pouvoirs par la force et qui ont régné en maîtres absolus par elle. La force ne peut construire une nation, une société, un pays. Elle permet tout juste d’asseoir les pouvoirs sans l’autorité qui les accompagne. Et si aujourd’hui quelques voix s’élèvent ici et là pour dire qu’après la fuite honteuse de Ben Ali, la Tunisie sombre dans le chaos, c’est qu’elles n’ont rien appris de l’Histoire des Hommes. Celle-là même qui tourne selon les époques et qui produit ses propres contradictions. La Tunisie a su orienter les regards sur son refus d’une dictature qui a englouti tous ses sacrifices, tous ses espoirs. Elle a reçu en contrepartie l’admiration des grands de ce monde et la reconnaissance des peuples qui souffrent encore de leurs misères refoulées. Une véritable leçon donnée aux pouvoirs aveuglés par la corruption, comme seul motif de la gouvernance. Le désordre actuel dans le pays et la résistance? Ce sont les signes d’un changement qu’il faut affronter pour faire renaître la dignité fille de l’indignation. Que les Tunisiens souffrent du manque de produits pharmaceutiques ou alimentaires, voilà l’occasion pour les épris de paix de par le monde pour se solidariser en une chaîne humaine et apporter un soutien à cette «révolution de jasmin» qui odore les plus sceptiques quant à l’aboutissement de la lutte pour la liberté. Démontrer pour une fois que l’intégrisme attentif aux évènements et s’apprêtant à se refaire une virginité, n’aura pas raison de la démocratie. Et l’on a bien envie d’écrire en grand dans le ciel de Tunisie: «De grâce, ne vous lassez pas!»
19 janvier 2011
Contributions