Le Carrefour D’algérie
Point de vue
PAR MUST H.
«Au pays des muets, les aveugles sont sourds»
Il faut tout de même admettre que le motif d’une hausse des prix des produits de première nécessité formulé en une belle reprise de la terminologie usitée dans les années 70, a représenté une formule commode, pour expliquer les émeutes juvéniles de ces derniers jours.
Il eut été effectivement plus aventureux et dévalorisant, pour le Pouvoir de qualifier ces protestations populaires de ce qu’elles sont réellement: de significatifs mouvements sociaux erratiques. Parce que le malaise est grand dans ces masses juvéniles où, à une impossibilité de rêver dans la sérénité «demain», s’ajoutent d’autres réalités, qui ont fait qu’elles ont été privées de tout. Parfois de la simple instruction qui aurait permis à beaucoup de ces «sans culottes» des temps algériens nouveaux de faire parler le papier. Certains ne savent même pas lire. Jusqu’à la haute Culture, vallée inaccessible et qui aurait pu les dissuader de verser dans les inacceptables «casses». Parce qu’il convient de rappeler, pour ceux à qui il manque l’inévitable «immersion sociale», qui peut les mettre en condition de comprendre leurs jeunes compatriotes, que le système éducatif a généré et souvent pour de simples motifs de bonnes statistiques, énormément de déperdition scolaire. Pour un oui, ou un non, de jeunes algériens sont privés de scolarité, parce qu’ils n’ont pu trouver l’écoute, la tendresse, ou l’encadrement de compassion qui auraient pu leur permettre d’accéder à cette merveilleuse conquête de l’humanité: la Connaissance. Bien sûr, les «ronds de cuir», toujours prompts à aligner des chiffres rétorqueront que bien des établissements scolaires, ou de formation professionnelle ont été construits, mais combien de leurs pensionnaires se retrouvent dans la rue, avec ou sans diplôme? Les voies de la scolarité obstruées, celles des petits métiers concurrencées par d’autres mieux nantis, restent les étals de marchés. Mais Haro des pouvoirs publics sur l’informel! Même les bêtes des chariots hippomobiles servant de commerces de fortune sont parfois confisquées. Reste enfin notre spécialité nationale: la Harga. Mais celle-ci gêne aux entournures nos gouvernants, qui se voient reprocher leur indolence, ou leur incapacité à diffuser le bonheur dans leur pays, alors qu’ils s’en targuent avec arrogance et suffisance. Sans considération de la somme de courage qu’il faut pour oser affronter les mers des lois répressives sont mises en place. Passeurs et clandestins deviennent ainsi les acteurs privilégiés d’un semblant de vie politique, qui ne résonne que des scandales réels ou supposés à milliards. Faute de se taire trop longtemps, l’on verse alors dans les triviales et aveugles destructions où, tout y passe. Biens des corrompus probables, symboles de l’Etat «scélérat» (selon leur perception), et simple citoyen qui avait le toupet de se trouver là. Et l’on devient subitement sourd à tous les appels à la sagesse.
11 janvier 2011
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