Zmène, on s’attablait sur une terrasse de café et on attendait que le garçon daigne prendre la commande. Il lançait le « ouach techrob », tout en essuyant la table à l’aide d’un chiffon dégueulasse, avant de vider le contenu du cendrier au pied de la table. Qui se souvient de ces années, où l’on avait le choix entre un jus de chaussette, une limonade rouge, safra, pomme, noire comme la serviette du garçon? En ces temps, nous avions le plus grand complexe sportif.
Des sportifs sans complexe et un parti unique en son genre. C’était lui qui décidait qui pouvait travailler dans la charika. Celui qui pouvait enseigner. Celui qui pouvait espérer une maison. Celui qui était patriote. L’autre qui pouvait postuler à un poste de responsabilité. Qui était Algérien et qui ne l’était pas.
Vous souvenez-vous des chaînes pour une douzaine d’œufs et le statut d’un agent des Galeries algériennes ? Il faisait la pluie et le beau temps dans cette unique grande surface. Il était le plus respecté, le plus courtisé dans l’immeuble. C’était lui le fournisseur en temps de pénurie. Ah, la pénurie Le bon vieux temps de la pénurie. Ni zebda, ni tomatiche, ni louz, ni pistache, ni Omo. Et téro si vous n’êtes pas content ! Tout se distribuait sous le manteau. Il te fallait avoir des connaissances partout. Un rien nécessitait l’intervention du moins que rien qui se prenait pour le nombril du monde. Ah, le bon vieux temps Où un militaire ou un policier mettait sa tenue de sortie pour brûler les «queues» et se faire servir le premier… Le bon vieux temps où personne ne bronchait. Le bon vieux temps où les démocrates d’aujourd’hui avaient créé l’article 120 pour écarter tous les cadres qui les dérangeaient.
N’sitou ?
El-youm, kayène tout ce qu’il faut. Les Chnaois sont là. Les Français sont là. Les Anglais aussi sont là. Les Indiens sont là. Les Afghans qui ont combattu les communistes sont là. Nos frères arabes sont là. Ceux qu’on appelait impirialia sont là. Le tramway est là : il est même exposé sur la place du 1er Novembre 54 (en espérant qu’il ne rouille pas avant sa mise en circulation).
Les Algériens sont las. Et ce sont nos jeunes qui veulent partir. Avec la langue de bois, ils fabriquent des embarcations de fortune pour couper la mer.
26 décembre 2010
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