La visite du président de la République en Allemagne se traduit par un échange régulier de visites de haut niveau entre les deux pays, dont celles effectuées en Algérie par l’ancien président fédéral, M. Horst Kohler, en novembre 2007 et par la chancelière Mme Angela Merkel, en juillet 2008. A titre de rappel, l’Allemagne a été un vecteur actif dans le processus d’industrialisation de l’Algérie durant les années 1970. Pourtant, en dehors de ces protocoles politiques, il faut analyser en ce mois de décembre 2010 sans passion les situations économiques respectives et la réalité de la coopération.
1- Quelle est la situation de l’économie allemande ?
Avec une population dépassant les 80 millions d’habitants, l’Allemagne est depuis 2007 la quatrième puissance économique mondiale, derrière les Etats-Unis, la Chine et le Japon, et la première de l’Union européenne avec un produit intérieur brut de 3.818 milliards de dollars (2008) contre un PIB algérien d’environ 160 milliards de dollars, ce dernier étant constitué directement et indirectement à plus de 80% d’hydrocarbures à l’état brut ou semi-brut via la dépense publique alors que le PIB allemand repose essentiellement sur l’entreprise privée, selon un système de cogestion entreprises-syndicats et sur la valeur ajoutée produite à partir du travail et de l’intelligence, une population qualifiée grâce à une formation professionnelle permanente. Selon l’OCDE, moyenne 2008/2009, avec 1,2 % de la population du globe, l’Allemagne a un PIB qui représente 4,7 % de l’économie mondiale et 8,6 % de celle des pays industrialisés et l’importance des secteurs économiques se ventile comme suit: les services (69,2 %); la production de marchandises, l’énergie et la construction (29,9 %); et l’agriculture, la forêt et la pêche (0,9 %). Elle était le plus grand exportateur mondial de biens devant les Etats-Unis et la Chine avec environ 1.300 milliards de dollars de biens exportés (biens de capital, services, produits finis et semi-finis à forte valeur ajoutée) dont la construction automobile fournissant environ 40% des exportations allemandes, contre une moyenne Algérie de 50/60 milliards de dollars dont 97% d’hydrocarbures. Cependant, les exportations allemandes ont chuté de plus de 18% en 2009 par rapport à 2008, une première depuis les années 1950, s’établissant à 1.100 milliards de dollars (les importations ayant atteint 916 milliards de dollars venant d’être détrônées par la Chine qui a approché les 1.150 milliards de dollars). C’est l’économie européenne la mieux insérée dans l’économie mondiale et dont l’économie est tirée par les exportations expliquant que malgré les effets de la crise d’octobre 2009, (l’OCDE prévoyant un taux de chômage inégalé de 11% de la population active en 2011 contre 7,4% en 2008), son économie affiche un net retour à la croissance durant l’année 2010 et, à ce rythme, elle peut espérer reprendre la place de premier leader des exportations mondiales.
2- Quel est le poids de la coopération ?
Le PIB algérien d’environ 160 milliards de dollars représente 4% du PIB allemand et les exportations algériennes (fonction du cours des hydrocarbures) en 2009 représentent également environ 4%. Au chapitre commercial, selon certaines informations, le volume des échanges a atteint, au cours des années 2007 et 2008, un niveau «appréciable» avec respectivement 1,32 milliard de dollars et 2,76 milliards de dollars. Pour l’année 2009, les échanges commerciaux entre l’Algérie et l’Allemagne ont atteint 2,96 milliards de dollars, soit une augmentation de 7%, relève-t-on. Durant la même année, une baisse «substantielle» des exportations algériennes vers l’Allemagne a été enregistrée (-109 millions de dollars). Pour le premier semestre 2010, l’Allemagne a occupé le 4e rang parmi les fournisseurs de l’Algérie avec 1,276 milliard de dollars, soit -12,9% par rapport à 2009. On souligne aussi que l’Allemagne ne figure pas dans le classement des 15 premiers clients de l’Algérie du premier semestre 2010, ce qui signifie que les exportations algériennes vers ce pays sont inférieures à 203 millions de dollars. Comme on le constate, les échanges entre les deux pays sont insignifiants eu égard aux importantes potentialités, l’Allemagne étant surtout orientée vers les ex-pays communistes de l’est de l’Europe, la Russie et l’Asie, notamment la Chine.
3- Quelles sont les perspectives de coopération entre l’Algérie et l’Allemagne ?
Selon des chiffres avancés par l’AHK, quelque 200 sociétés allemandes sont implantées en Algérie. Elles évoluent dans différents secteurs d’activité, entre autres l’énergie, les services, l’hydraulique, le transport et les technologies de la construction. L’Algérie importe essentiellement de ce pays des équipements mécaniques, électriques, sidérurgiques, des véhicules, des produits chimiques et des graisses. Les exportations algériennes sont, à l’inverse, constituées essentiellement des hydrocarbures (pétrole et gaz) et dérivés. La volonté politique «partagée» par les deux capitales et leurs intérêts économiques et géostratégiques respectifs «restent, malgré la crise économique et financière mondiale, favorables au renforcement des échanges économiques et de la coopération bilatérale dans plusieurs secteurs porteurs». L’objectif essentiel est de renforcer le partenariat, tout en étudiant le marché économique des deux pays, afin de rechercher les opportunités de coopération en vue d’accroître les échanges commerciaux et la coopération bilatérale notamment dans le secteur de l’énergie (solaire, éolienne et photovoltaïque) et des technologies. Dans le domaine scientifique, l’allemand Solar-Institut de Julich (SIJ) mène un projet de réalisation d’une tour solaire thermoélectronique à Tipasa, en collaboration avec le Centre de développement des énergies renouvelables (CDER). L’accord relatif à ce projet a été signé et les travaux de réalisation, financés en grande partie par l’Allemagne, débuteront au courant du premier trimestre 2011. Un autre projet, «Desertec», évalué à 400 milliards de dollars, destiné à exploiter le potentiel solaire de l’Algérie pour produire de l’énergie alternative, représente également un grand intérêt pour l’Allemagne, leader mondial dans le domaine des énergies nouvelles. Intitulée «Concentrating Solar Power for the Mediterranean Région» (MED-CSP), l’étude vise à démontrer la faisabilité du concept «Desertec» imaginé par le réseau international TREC (Trans-Mediterranean Renewable Energy Coopération) créé en 2003 par le Club de Rome. Le projet «Desertec» a pour objectif, d’une part, l’accélération de la production d’électricité et d’eau dessalée à partir de centrales thermo-solaires et d’éoliennes, situées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et, à partir de 2020, le transport de cette électricité verte jusqu’en Europe, d’autre part. L’Algérie, bien qu’existent plusieurs options concurrentes, française et récemment japonaise, à travers la voix de son ministre de l’Energie, vient de faire savoir en ce début de décembre 2010, qu’elle accordait pour les prochaines années la priorité aux énergies renouvelables et devrait dynamiser l’agence NEAL (une filiale de Sonelgaz) qui a été créée par l’Etat dans le but de promouvoir les énergies renouvelables et en relation avec le Centre algérien de développement des énergies renouvelables (CDER) qui entretient des relations de partenariat et de coopération privilégiées avec des firmes et des institutions énergétiques dont allemandes. Aussi, parallèlement dans le cadre d’un partenariat gagnant/gagnant dans divers domaines en intégrant l’accumulation du savoir-faire technologique et managérial des Algériens, l’on pourrait aboutir à la conclusion de contrats de coopération avec des entreprises algériennes dans d’autres filières où l’Algérie a un avantage comparatif mondial, car nous sommes à l’ère de la mondialisation, à travers la bourse de coopération algéro-allemande récemment créée. Notons récemment le déplacement d’entreprises allemandes à Alger, dont la firme Messer, spécialisée dans la production et la distribution des gaz industriels, la société PWT, versée dans la construction d’installations de traitement de l’eau, l’entreprise Braun, travaillant dans les équipements et les produits de la santé (anesthésie, médecine intensive, cardiologie, chirurgie et traitement sanguin extracorporel ) et la société NIPAG, qui construit des installations et dispositions de traitement de l’air vicié (purificateurs, séparateurs, des tamis moléculaires et des installations à plasma non thermique).
En conclusion, les Allemands qui n’ont pas de passé historique avec l’Algérie, privilégiant le pragmatisme et connus pour leur franchise, ont fait savoir récemment au gouvernement algérien courant 2010, qu’ils étaient prêts à intensifier la coopération mais que les dernières mesures gouvernementales de l’Algérie, notamment les 49/51%, étaient contreproductives, vision administrative, la référence économique, la balance devises et l’accumulation du savoir-faire organisationnel et technologique des Algériens. L’économie allemande étant dominée par le secteur privé, et l’économie algérienne par la dominance de la bureaucratie qui produit la sphère informelle, le gouvernement allemand ne peut jouer qu’en tant que régulateur, ne pouvant contraindre ses opérateurs à investir en Algérie si l’environnement des affaires est contraignant supposant une bonne gouvernance et une visibilité et cohérence de la politique socio-économique du gouvernement algérien. Sous ces réserves, dans la pratique des affaires n’existant pas de sentiments, la coopération algéro-allemande pourrait s’intensifier dans le cadre du respect mutuel.
11 décembre 2010
Contributions