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L’enseignement du management en Algérie : Problèmes et défis à l’université d’Oran par Benyahia-Taibi G.* & Segueni-Djamane N.*

11 décembre 2010

Contributions

Le secteur de l’enseignement supérieur en Algérie, comme dans le reste des pays en développement, fait l’objet d’une demande sociale importante et joue un rôle décisif dans la vie économique, sociale et culturelle du pays.

Depuis l’indépendance du pays en 1962, ce secteur a connu, aux plans quantitatif et qualitatif, une grande évolution. Trois réformes ont marqué le système d’enseignement supérieur dont l’objectif était de restructurer le paysage de la formation supérieure en Algérie, en améliorer l’efficacité et l’efficience:

1. La réforme de l’enseignement supérieur de 1971.

2. La réforme de l’enseignement supérieur de 1980.

3. La réforme de l’enseignement supérieur de 2003/2004(ou la réforme LMD).

Ces transformations se sont effectuées et s’effectuent encore dans un climat de difficultés entraînant des évaluations et des remises en cause aboutissant à des réformes profondes.

Les transformations en cours donnent à l’Université une pleine autonomie administrative et financière. Mais, au-delà de l’autonomie financière, l’Université doit garder son sens critique pour promouvoir les valeurs universellement acceptées et s’articuler profondément au monde du travail et aux besoins sociaux. L’Université algérienne doit faire face à plusieurs défis, notamment l’explosion des effectifs, la crise du financement public de l’enseignement supérieur et le financement de la vie étudiante mais aussi la mobilité des compétences. L’Université doit gérer à la fois le gonflement des effectifs et le manque de rationalité de la répartition des flux entre les filières. L’harmonisation des diplômes avec l’adoption du régime LMD pose de nouveaux défis à relever sous la contrainte de temps et d’efficacité. Nous assistons également à une mutation considérable dans la transformation des débouchés. L’Enseignement supérieur en Algérie a beaucoup évolué. Il y a désormais un large consensus sur le fait qu’il ne doit pas se limiter à la poursuite désintéressée de la connaissance et à la transmission de celle-ci mais doit aussi et surtout préparer ses étudiants à occuper une place dans les activités économiques et sociales. Les conditions ou les circonstances de l’enseignement supérieur sont éminemment déterminantes pour la concrétisation de cet impératif. L’objectif de cet article est d’analyser les conditions dans lesquelles se fait l’enseignement supérieur, plus précisément l’enseignement du management. A travers un questionnaire administré aux enseignants de la Faculté des Sciences Economiques, Commerciales et de Gestion de l’université d’Oran, nous débouchons sur un ensemble de problèmes susceptibles de limiter le rôle de l’enseignement supérieur dans le développement d’aptitudes, de connaissances et de compétences, notamment managériales.

L’enquête sur le terrain:

Notre échantillon de répondants est constitué de 90 enseignants répartis en parts égales entre hommes et femmes (50/50). Nous relatons ci-après les principaux résultats.

Les problèmes de l’enseignement.

Les principaux problèmes de l’enseignement soulignés par les enseignants de la faculté sont, par ordre décroissant :

1. Le niveau des étudiants                75%

2. Indifférence des étudiants            59,5%

3. Problème de maîtrise des étudiants de la langue française                      59,5%

4.Peu de temps consacré à la recherche     56%

5. Nombre d’étudiants élevé            52,4%

6. Manque de moyens pédagogiques et d’infrastructures                           52,4%

7. L’assiduité des étudiants              34,5%

8. Défauts de l’organisation des étudiants                               29,8%

9. Programme chargé                       25%

10. Horaires d’enseignement peu ou pas adaptés                    23,8%

11. Déconnexion entre cours et TD 13,1%

12. Autres                              6%

Les autres problèmes cités par les enseignants sont : absence de motivation des étudiants, contenu des programmes ne favorisant pas l’intéressement des étudiants, manque de discipline et les interventions de l’administration dans les notes des examens.

Concernant les problèmes rencontrés dans le domaine de l’enseignement des modules relatifs au management, il semble que (encore une fois) les principaux problèmes sont liés aux étudiants eux-mêmes. Les chiffres indiquent les appréciations suivantes (par ordre décroissant) :

Manque de préparation des étudiants à la vision d’ensemble, à l’analyse des problèmes 60,3%

Difficulté à traduire les concepts                45,6%

Difficulté de suivre l’évolution de la théorie, des concepts                27,9%

Difficulté de trouver des cas, des exercices                                     20,6%

Manque de bibliographie dans la langue

d’enseignement                               20,6%

Difficultés d’élaborer les sujets d’examen 19,1%

Manque de bibliographie sur le module      17,6%

Les avis des questionnés semblent divergents quant à la qualité des formations dispensées par les universités algériennes. Tandis que 38,3% des enseignants estiment que ces formations ouvrent des opportunités de travail aux étudiants, 43,2% déclarent que ces formations ne fournissent pas les réels outils d’insertion professionnelle. En effet, ces formations semblent plutôt théoriques, déconnectées du monde des entreprises et de l’économie plus généralement. Globalement, les enseignants estiment que les formations dispensées à l’Université ne fournissent pas les réels outils d’insertion dans la vie active. La majorité des diplômés échoue à accomplir dès l’embauche les tâches complexes qui leur sont confiées.

Les problèmes des étudiants

D’après les enseignants questionnés, les principaux problèmes dont souffrent les étudiants actuellement sont (par ordre décroissant):

Pessimisme vis-à-vis de la vie professionnelle                         74,1%

Difficultés d’accéder aux entreprises (difficultés de décrocher un stage)     53,1%

Difficultés à opérationnaliser les concepts théoriques acquis en cours        50,6%

Manque de formation à la pédagogie de certains enseignants                      50,6%

Financement des études                   49,4%

Orientation peu ou pas adaptée aux capacité/aptitudes et domaines d’intérêts de l’étudiant                         44,4%

Manque d’encadrement et de suivi   35,8%

Redoublement et échec                    33,8%

Insuffisante rigueur en matière de méthode de travail                        33,3%

Difficulté d’accès aux ouvrages, revues dans la bibliothèque de la faculté   30,9%

Programme chargé                          28,4%

Manque de bibliographie pour certains modules                                                 25,9%

Le pessimisme vis-à-vis de la vie professionnelle ou le manque d’objectifs après les études est incontestablement le principal problème des étudiants. C’est ce qui induit la démotivation et, par conséquent, l’échec dans les études.

Remèdes aux problèmes de l’enseignement du management

Les solutions proposées par les enseignants pour remédier aux problèmes de l’Université sont nombreuses. Les plus importantes sont :

Tout d’abord, l’intégration de l’Université dans l’espace économique (86,5%). L’Université algérienne semble, jusque-là, déconnectée du monde des affaires.

Ensuite, adopter de nouvelles méthodes (56,8%), notamment pédagogiques, pour améliorer la qualité de l’enseignement.

En 3ème lieu, l’instauration des normes entre les universités (45,9%). Enfin, l’obligation de l’Université de rendre compte à l’Etat (31,1%).

Conclusion

Les Universités algériennes ont dans l’ensemble mal réussi à adapter les contenus et les méthodes d’enseignement dans leurs filières et on peut estimer qu’il y a là aujourd’hui un réel décalage entre l’Université et le monde du travail.

Cette déconnexion, conjuguée avec la difficulté croissante d’accéder aux entreprises pour les stages, induit une démotivation (et un pessimisme) qui touche les étudiants dès leur première année d’étude, et qui gagne le système éducatif dans son ensemble.

Nous remarquons, depuis une dizaine d’années, la décadence de l’Université algérienne qui ne cesse de produire l’échec et la déperdition dans la société. Au niveau de l’université d’Oran (et sans doute dans d’autres universités algériennes), nous constatons la dégradation dramatique des conditions qui incombent à la motivation des deux parties : enseignants et étudiants. Le cumul de problèmes a fait perdre l’équivalence aux diplômes universitaires algériens avec les diplômes européens, voire même maghrébins !!

Notre étude a fait ressortir plusieurs problèmes et lacunes de l’Université. Nous sommes partis au départ pour détecter les problèmes d’enseignement du management. Mais, en fin de compte, on ne peut séparer ceux-ci des problèmes de l’Université algérienne dans son ensemble.

Les lacunes des étudiants touchent essentiellement:

· La difficulté d’abstraction.

· Le manque de préparation à la vision d’ensemble, à l’analyse des problèmes, à l’élaboration d’un exposé, d’un travail structuré1.

· Les défauts d’organisation : prise de notes insuffisantes, bachotage, manque de réflexion pour lier entre cours et TD.

L’inadéquation entre les connaissances de base et les exigences implique l’échec. En effet, des compétences acquises en particulier pendant le secondaire vont conditionner le succès :

· Des connaissances factuelles de base sont indispensables (par exemple la maîtrise de la langue française).

· Les capacités à gérer son temps, à concentrer son attention, à mémoriser, à prendre des notes2.

La situation n’est pas due simplement à une baisse d’efficacité du secondaire mais c’est l’environnement sociétal et son approche des connaissances qui pèsent sur le futur étudiant. La multiplication des informations un peu dispersées pousse à retenir des faits que l’on utilisera immédiatement au détriment d’une acquisition structurée.

L’explosion des effectifs, le manque d’encadrement et de suivi, et faute de moyens didactiques et pédagogiques, impliquent l’indifférence de nos étudiants3.

Mais la décadence de l’Université n’est pas simplement due aux étudiants. Les formations universitaires sont de plus en plus déconnectées du monde des entreprises et fournissent peu de bagages pour l’étudiant dans sa quête de l’entreprise.

Pour réduire le fossé entre la demande de la société et l’offre de l’enseignement supérieur, plusieurs solutions sont adoptées par les pays développés : création d’universités d’élite, alignement de celles-ci sur le modèle des Grandes Écoles, gestion des universités selon les lois du marché tout en conservant le statut de l’éducation comme bien public, instauration des normes de compétition entre les universités et obligation de rendre compte à l’Etat.

Les enseignants sont unanimes pour dire que l’Université a besoin de coordonner avec les entreprises et le monde de l’économie de façon générale. A cet effet, l’Université est tenue de :

1. Professionnaliser les filières avec des programmes centrés sur la notion d’employabilité afin d’intégrer l’Université dans son environnement économique.

Dans ce sens, et dans le cadre du système LMD, des parcours professionnalisant, en liaison avec des entreprises, doivent être créés.

2. Encourager les modules d’enseignement de création d’entreprises. Les questionnés soulignent ainsi l’absence quasi totale dans les programmes des concepts de : l’entrepreneuriat, le capital risque, la création d’entreprises.

3. Donner une grande importance à la discipline pour les enseignants et les étudiants. En effet, ce type de sciences (économiques, gestion, commerciales) semble souvent dévalorisé, sous-estimé par rapport aux sciences dites exactes ou médicales.

4. Réajuster l’ensemble des programmes universitaires pour en améliorer le contenu.

5. L’orientation doit être basée sur des critères bien classés (la compétence, le besoin du marché, les désirs des étudiants).

6. Tenir compte des institutions académiques privées, véritable pôle de compétences, pour s’inspirer de leurs programmes et méthodes d’enseignement.

7. Coordonner l’Université avec les autres composantes du système d’éducation et de formation pour que l’Université ne reste pas cloitrée et isolée de la société.

8. Former les enseignants, notamment en pédagogie.

9. Intégrer la recherche comme préoccupation première de l’Etat pour que les connaissances de l’enseignant soient toujours actualisées par les nouveautés théoriques, conceptuelles et pratiques.

10. L’installation d’un comité qui rassemble des représentants de chaque université ou pôle universitaire pour se mettre d’accord sur la traduction de certains concepts en arabe (tels que le benchmarking, l’ambiguïté causale, la connaissance tacite, le panel…), et ceci, afin que toutes les Universités algériennes utilisent les mêmes concepts.

D’autres enseignants préconisent des solutions beaucoup plus radicales.

Ainsi, certains questionnés vont jusqu’à dire que la réforme de l’Université va de pair avec la restructuration du système éducatif dans son ensemble depuis le fondamental.

L’enseignement supérieur entre efficience et équité :

L’un des défis majeurs des responsables de l’enseignement supérieur est d’améliorer les performances de celui-ci tout en réduisant le coût de son fonctionnement. Ce qui ne serait possible sans adopter des modes de gestion assurant efficience, vision futuriste et réactivité basées sur de nouvelles formes de gouvernance.

Enfin, une question reste ouverte :

Le système LMD, qui se veut révolutionnaire et universel, va-t-il enrayer les problèmes de l’Université algérienne ou augmenter ses déboires ?

Nous en ferons un premier bilan dans nos futurs articles.

*Maître de conférences, Université d’Oran, *Maître-assistante, doctorante,

Université d’Oran

Notes

1- Ce qui engendre une médiocrité, sans précédent, des mémoires de fin d’études et des rapports de stages dans lesquels les étudiants ne font que du copier coller.

2- Ce n’est qu’en période d’examens que l’on voit les étudier s’intéresser aux cours et TD pour faire des photocopies au profit des prestataires de services.

3- Mais aussi et la violence (entre étudiants, entre étudiants et enseignants).

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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