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«Mozart chante les louanges de Mao» par Kamel Daoud

3 décembre 2010

Contributions

A bien regarder, le Pouvoir ne sait plus quoi faire de la culture : s’il la soutient trop, cela va aider les gens à voir loin, s’émanciper, se passer de semoule comme divinité et concevoir des alternatives. Et cela est mauvais pour les monarchies informelles.

S’il ne soutient pas la culture, il aura mauvaise presse internationale, «cela ne se fait pas» et la culture finira par prendre un autre chemin, fuser par une autre expression, endosser des rôles évidents d’opposition et de contestation. Que faire alors ? Faire ce que font tous les Pouvoirs quand ils ne sont que des régimes : la contrôler par les cheveux. Aujourd’hui, il y a le contrôle. Sur l’ISBN des livres, sur le marché éditorial algérien, sur les films touchant à l’Histoire nationale, désormais soumis à un agrément, sur les projections soumises à des visas, sur les concerts de chants, sur les amusements de la télévision, sur les festivals et les «journées de…».

Un homme de culture est strictement encadré et surveillé quand il produit mais, dès qu’il tombe malade, personne ne s’en souvient chez les surveillants généraux jusqu’à sa mort.

Le chroniqueur vient d’apprendre, par lecture, que les salles de cinéma algériennes sont encore sous tutelle du ministère de l’Intérieur, apparemment. Il ne le savait pas car il est de la génération des DVD et des CD pirates. Donc, et avec le prétexte ancestral de «mettre de l’ordre», il y a en Algérie un strict mouvement de contrôle des expressions culturelles qui se dessine. C’est un peu la phase III : après la phase I du contrôle des partis, la phase II du contrôle de la rue, la phase III du contrôle des émeutes immatérielles. Il y a déjà une police des censures pour les salons des livres (police prévue pour censurer le manuel du djihadiste et qui a abouti à des censures à la «Poutakhine»). Il y a donc déjà des autorisations de produire, des obligations de visa et des lois punissant les publications dites non autorisées. La «Culture» existait déjà à peine dans ce pays depuis deux décennies, maintenant elle doit demander la permission. La raison ? C’est une sorte de caprice chez les pouvoirs vieillissants que de devenir imbéciles et très allergiques aux images, sons et paroles. Certains ont pressenti que la «culture», au sens large du terme, a fini par être le dernier alphabet pour dire le mal-être et l’envie de faire des coups d’Etat, c’est une brèche ouverte pour «l’ingérence culturelle», le ralliement des élites, leurs alliances avec des soutiens externes et un moyen de raconter le réel autrement que comme un triomphe d’une autobiographie officielle. En Algérie, il n’y a plus de parti pour dire les choses, pas de bons journaux, ni une télévision libre, ni des places publiques où s’exprimer. Que reste-t-il ? La culture. Le dernier carré où se réfugie l’expression et qu’il s’agit de contrôler très vite par une batterie de lois socialistes. Le Pouvoir, qui est policier, n’a pas pu se constituer une élite de soutien, alors il refuse que se constitue une élite de la contestation, même culturelle. Le peuple ? Ah oui ! Pour ça, on a l’ENTV et ses sketchs insultants sur la gourmandise de l’Algérien, la rapacité de l’urbain et la naïveté bonhomme du rural et on a la «culture chourouk», c’est-à-dire sexualité, Islam, fatwa, chauvinisme, intolérance, voyeurisme et faux scandales. Une sous-culture dosant le conservatisme et la relique religieuse, capable de calmer la libido même au spectacle du pipeline et de faire assimiler le lutteur pour la liberté à un incroyant qu’il ne faut pas suivre ni écouter.

«Mozart chante les louanges de Mao» est la recette qu’a trouvée le personnage de «Balzac et la petite tailleuse chinoise» pour expliquer au chef communiste du village, où il était en rééducation culturelle, que son violon n’est pas interdit par la révolution et que ce qu’il jouait n’était pas un extrait de concerto «réactionnaire bourgeois» mais un hymne révolutionnaire.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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