C’est l’heure du levage. Sur la pointe des pieds, dans l’obscurité, je me déplace, caressant le carrelage comme un automate. Je camoufle ma quinte de toux en tierce de toux. Il ne fallait surtout pas que se réveille mon frère. Je lui pique son veston que je mets devant la porte avant d’enfiler le seul pantalon présentable que j’avais pris le soin de repasser la veille.
Dehors, les cafés commençaient à peine à se racler les gorges. Depuis longtemps, le «sbah el khir» a déserté les bouches pour laisser place à « salam alikoum ». C’est depuis que tous les grisonnants sont appelés « hadj ». Je commande un express. Un autre client demande la clé des toilettes.
- C’est fermé, lui répond le monsieur derrière le
« comptoirheure » matinal. Il n’y a pas d’eau.
- Comment ça, il n’y a pas d’eau ! Et le café, vous le faites avec du teymoum ?
J’avale vite fait ma tasse. Une demi-heure après, je suis devant la société qui m’a convoqué. Je présente mon télex au planton qui le regarde avec un sourire. J’ai compris qu’il n’avait rien compris. Je lui explique. Et, sans me laisser finir ma phrase, il me montre une salle d’attente en me lançant un: « assis ici, mène fadlak », il n’y a encore personne dans les bureaux.
Une heure après, le ballet de la femme de ménage me chasse de la salle des attentes. Le ballet des agents de bureau commence. Ils ont tous des têtes de «génie civil ». Les secrétaires arrivent aussi. Elles me toisent. Leurs façades ravalées ressemblent à celles que l’on inaugure à l’occasion des visites officielles. Chacune veut ressembler à l’actrice du feuilleton turc. Le planton informe l’une d’elles de ma présence.
- Suivez-moi, qu’elle me dit.
On emprunte l’escalier qui mène à une autre salle d’attente. Elle m’installe. J’attends. Aucune fenêtre, ni aération. Une odeur, qui en disait long sur la maîtrise des pots d’échappement, enveloppe les lieux. Mais j’attends le boss godo qui fait encore dodo et vous aussi, vous devez attendre demain pour la suite
7 novembre 2010
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