Le coup de bill’art du Soir
L’Algérien qui a corrigé Camus
Par Kader Bakou
Un correcteur de presse algérien a «corrigé» une phrase… d’Albert Camus ! Cela s’est passé il y a quelques années. Un journaliste avait commencé son article par une remarque de l’auteur de L’Etranger qui avait un jour dit : «Si tu vois le cimetière de Bône, l’envie de mourir te donne». Le «corrigeur» a transformé les propos de Camus en un simple : «Si tu vois le cimetière de Bône, tu as envie de mourir.»
Ainsi, ni le nom d’Albert Camus ni les guillemets n’ont dissuadé notre «génie» de correcteur à toucher à la phrase et à supprimer, ainsi, l’essentiel, c’est-à-dire la rime qu’elle contient et sa beauté poétique. Le même journaliste (pour l’anecdote, il est aussi correcteur) avait, un jour, ainsi titré son article : «Le temps de la belle ouvrage.» Un autre correcteur avait transformé son titre en «Le temps du bel ouvrage», parce que «ouvrage» est un nom masculin et sans chercher à connaître la signification de l’expression «la belle ouvrage». Pour votre information, il y a même un film réalisé par Jean-Luc Magneron qui porte le titre de «Mai 1968, la belle ouvrage». Dans un autre quotidien, une journaliste a écrit : «Le tourbillon de la folle ambiance à Annaba jure avec la nature à l’état quasi brut d’El-Kala». Remplacez «jure» par «joue» comme l’a fait un correcteur et c’est tout le sens de la phrase qui change. Aussi, beaucoup de journalistes se plaignent de corrections qui changent le sens d’une phrase ou qui «bousillent» un jeu de mots. Professionnellement parlant, les rapports entres les journalistes et les correcteurs sont, souvent, conflictuels. De leurs côtés, des correcteurs se plaignent du «faible niveau» de certains journalistes, surtout les correspondants. L’un d’eux nous a montré une feuille corrigée dans laquelle il y avait plus de rouge que de noir (les corrections sont faites au stylo rouge). En Allemagne, des écrivains ont «interdit» aux correcteurs des maisons d’édition de «toucher» à leurs écrits. Résultat : des romans sont sortis avec de monumentales «coquilles». En conclusion, tout comme les écrits, les corrections, elles aussi, ne se ressemblent pas. Corrigez-moi, si j’ai pas raison !
K. B.
bakoukader@yahoo.fr
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/11/07/article.php?sid=108387&cid=16
7 novembre 2010
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