Le facteur, homme de lettres, connaît mon nom et mon prénom. Depuis le temps que j’habite le même immeuble, je n’ai même pas besoin d’aller voir si j’ai reçu du courrier. C’est lui-même qui me tient informé. Ponctuel, je le croise à la même heure au café du quartier. Il dépose sa sacoche sur le comptoir avant de se diriger direct vers le petit coin express pour se débarrasser du paquet recommandé par sa prostate. Moi, je l’attends. J’attends qu’il soulage sa vessie, mon impatience et une réponse aux centaines de demandes d’emploi que j’ai formulées.
La dernière en date, je l’ai déposée en mains propres dans la société des eaux grâce au tuyau d’un camarade de promotion, agent dans les ressources humaines. J’y crois pas trop mais sait-on jamais que mon profil intéresse.
« C’est une entreprise qui est en train de se restructurer, qu’il m’a dit le copain. Négative ou positive, tu recevras une réponse par courrier. Car celui qui a en charge des recrutements est un type comme ça. Un vieux de la vieille. Tu dois sûrement connaître son fils, il a fait l’école avec nous. Il nous dépassait d’une classe. Toujours le premier à la cantine et le dernier à en sortir. Aujourd’hui, il arrache son pain de la bouche des autres, je me suis toujours demandé comment il est devenu dentiste ».
«Moi, lui dis-je, je suis prêt pour n’importe quel poste. Même si je suis recruté pour être mis à la porte, j’accepte. Planton, c’est un emploi comme un autre. Le plus important c’est d’arriver à la retraite, mort ou vif.
Le facteur finit par sortir. Il récupère sa sacoche et me fait signe de le suivre. Il sait que je crains le mauvais œil. Au seuil de l’immeuble, ses yeux font le panoramique des alentours. Assuré que personne ne zoome, sans me regarder, il me tend discrètement un pli, avant de se barrer. On aurait dit un dealer remettant une barre de shit à son client. Je vous dirais la suite demain.
3 novembre 2010
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