Edition du Samedi 09 Avril 2005
Culture
“Le temps passe, le lecteur oublie, la mémoire s’étiole”, disait Saïd Mekbel à ses proches. Dix années se sont écoulées, certains ont oublié, mais la mémoire ne s’est pas totalement
étiolée. Car, malgré tout, ils persistent certains gardiens de la mémoire pour qui l’homme est avant tout une œuvre inscrite dans la pérennité.
Et Saïd Mekbel, Ce voleur qui… fait partie de cette race de témoins, qui ont bravé le danger pour raconter le quotidien à travers des billets à l’humeur sarcastique. Témoin de l’Algérie des politiques et des petites gens, l’ex-directeur de publication du, malheureusement, ex-quotidien Le Matin revient dans les librairies grâce à un deuxième recueil de billets parus aux éditions Dalimen, sous l’intitulé Saïd Mekbel, dix ans déjà, pour rappeler que la mémoire s’est peut-être effilochée, mais pas effacée.“Comment rester insensibles à l’histoire de ces deux sœurs ? Comment ne pas sourire à ce message adressé au procureur qui vient de le condamner ? Comment ne pas partager sa rage, lorsqu’il apostrophe ces décideurs au moment où il va enterrer son ami égorgé ? Pour beaucoup, ce n’est plus de la chronique journalistique, c’est de la poésie satirique, le tragique est emporté par une dérision emplie d’espoir”, écrit Nazim Mekbal dans la préface de ce recueil.
Est-ce trop tard de publier les billets de Saïd Mekbel ? Sont-ils dépassés par le temps et les évènements ? Certainement pas, car, plus qu’un travail journalistique, ces billets sont un témoignage pour l’histoire, la justice et la vérité.
Les écrits de Mekbel sont intemporels, ces personnages, ce sont ce villageois plongé dans le monde de l’avenir grâce à cette centrale électrique qu’on vient d’installer, cet homme accusé d’avoir noyé son chagrin, c’est la cousine beur, le député et autres figures d’une Algérie plurielle. Un recueil-souvenir qu’on feuillette avec beaucoup d’émotion, pour retrouver une plume douce, amère, ponctuée de lucidité et de virulence.
W. L.
Saïd Mekbel, dix ans déjà, 211 pages
Éditions Dalimen – Prix 450 DA.
28 octobre 2010
1.LECTURE