Edition du Jeudi 26 Mai 2005
Culture
Au fil des pages se déploient les univers aussi enchanteurs les uns que les autres de quinze écrivains d’ici et d’ailleurs, poètes et romanciers, avec un seul point commun qui revient comme une sentence biblique : “Au commencement, il y avait la lecture.”
La littérature habite des lieux insolites. Elle est aussi la substance lyrique de multiples mémoires, jalonne des parcours et sécrète des trajectoires atypiques. Espace de vagabondage des âmes tourmentées et sensibles, elle a trouvé à Alger des haltes conviviales pour enchanter les adeptes de sa cause. Entre cafés littéraires et nuits de la correspondance, sans oublier les ventes-dédicaces, on découvre, grâce à Conversations à Alger – quinze auteurs se dévoilent de Nassira Belloula, une capitale qui revit, une capitale qui retrouve sa vocation artistique perdue. On tend son oreille pour écouter délicieusement les chuchotements des écrivains venus conquérir la ville altière. Au fil des pages, se déploient des univers aussi enchanteurs les uns que les autres avec un seul point commun qui revient comme une sentence biblique : “Au commencement, il y avait la lecture.” Le meilleur exemple est fourni par Karima Berger, la native de Ténès, qui parle fièrement d’un héritage inestimable légué par son oncle sous forme d’une bibliothèque achalandée de livres. Un héritage qui l’avait mise sur la voie de l’écriture. Les quinze auteurs mettent ainsi en avant leur passé de dévoreurs de livres.
Nassira Belloula, devient l’amie à laquelle on se confie de façon spontanée avec cette envie sympathique de se raconter à un proche de longue date. On n’y voit là aucun voyeurisme ni effraction car, vite, on se prend au jeu pour s’embarquer à la découverte de lieux magiques et d’univers plus fascinants les uns que les autres.
Le voyage commence en Arabie avec le poète Ahmed Abodahman. Le premier Saoudien à écrire en français ; son écriture s’inscrit dans la perpétuation de la tradition des joutes poétiques qui ont fait la renommée de cette contrée désertique. À travers lui revit le mythe “du marché de Oquaz” où les poètes venaient se surpasser et acquérir le prestige et la célébrité. Puis, au détour des pages, apparaît Yasmina Khadra et le contingent interminable de ses personnages, tantôt attachants par leur fragilité, tantôt cyniques par leur verve, mais toujours habités d’une sincérité déconcertante.
Le commandant Mohamed Moulesshoul cède la place au haut fonctionnaire bon chic bon genre incarné par Boualem Sansal. Un homme qui avait pondu des traités théoriques, avant de s’extirper définitivement des “rapports administratifs” pour embrasser une carrière romanesque des plus prometteuses. Ainsi, défilent, dans une succession de portraits, des auteurs nés ici ou sur l’autre rive mais qui partagent une seule et même passion : l’Algérie. Avec Conversations à Alger de Nassira Belloula, tout le monde trouve son compte. Le spécialiste un outil de travail théorique indispensable, le profane une initiation heureuse à la littérature et à la poésie.
Slimane Aït Sidhoum
Nassira Belloula : Conversations à Alger – quinze auteurs se dévoilent
Éditions Chihab, Alger, mai 2005
120 pages, 270 DA
28 octobre 2010
1.LECTURE