Edition du Mercredi 06 Avril 2005
La nouvelle de Adila Katia
L’inavouable
RÉSUMÉ : Ouarda s’est assurée que les flacons sont toujours là où elle les a cachés. Quand Rachid arrive, elle feint d’être très peinée. Rachid la croit sincère. Toutefois, il ne comprend pas où elle veut en venir quand elle se reproche son manque d’attention et pourquoi elle culpabilise…
Maman, qu’est-ce que c’est ? Rachid jette un coup d’œil au contenu des flacons et il fronce les sourcils en les reconnaissant. Le regard suspicieux, il regarde sa mère.
- Mais ils sont à toi, se rappelle-t-il. Le médecin te les avait prescrits. Qu’est-ce qu’ils font ici, dans la commode de ma femme ?
- Tu ne comprends pas, rétorque-t-elle. Elle me les a volés. J’étais surprise de ne pas les retrouver, mais jamais je n’aurais cru qu’elle les ait pris, poursuit-elle. Je pensais les avoir égarés ou même jetés. Si j’avais su qu’ils étaient en sa possession, tu peux être sûr que j’aurais fait quelque chose.
- Tu crois vraiment qu’elle en ait pris ? l’interroge-t-il.
- Le bébé ne serait pas mort, dit- elle, si elle n’en avait pas pris. C’est ce qui a tué ton enfant. Est-ce que tu comprends ? Elle a tué ton enfant… mon petit-fils… Elle a attiré la honte sur nous. Quand les gens sauront, nous serons leur sujet favori. Jamais je ne lui pardonnerais ce qu’elle a fait… ce qu’elle t’a fait.
- Et si la cause de sa mort n’est pas due à la prise de ces médicaments ? soupire Rachid qui a des difficultés à y croire. Je connais Latéfa et je ne crois pas qu’elle…
- Alors de quoi est mort le bébé ? Tu voudrais qu’il subisse une autopsie ? N’a-t-il pas assez souffert ?
Rachid hausse l’épaule et s’assoie sur le bord du lit, les flacons toujours à la main. Il est triste et pensif. Ouarda a de la peine en le voyant ainsi.
- Il faut que tu sois fort, lui dit-elle. Latéfa ne mérite pas ta clémence. Elle n’a pas hésité à prendre des calmants. Et si aujourd’hui le bébé est mort, c’est entièrement de sa faute ! Elle doit payer pour ça.
- À t’écouter, je devrais prendre une grave décision, alors que je ne l’ai même pas entendue, soupire Rachid.
- Elle a tué… À défaut de porter l’affaire devant la justice, répudie-la ! Je ne veux pas de cette criminelle chez moi, dit fermement sa mère. Tu dois te séparer d’elle. Est-ce que tu comprends ?
- Je me sens dépasser par la situation. Je ne sais plus quoi penser, plus que croire, avoue Rachid, très déçu et très peiné. Je croyais la connaître…
- Moi aussi. Écoute, si tu ne te sens pas la force de la répudier, laisse-moi faire, lui suggère-t-elle. Ces choses-là ne se pardonnent pas.
Ouarda soupire de soulagement. Elle avait craint de ne pas pouvoir le convaincre de la culpabilité de sa femme. La perte du bébé est un coup terrible pour lui, et la présence des flacons dans la commode est une preuve parlante. Il ne lui pardonne pas d’avoir mis la vie de leur bébé en danger. Inconsciemment ou volontairement ? Il ne se pose pas la question. La déception et la colère qu’ont provoquées les propos de sa mère sont pour beaucoup dans sa décision de ne plus revoir sa femme. Ouarda, qui tient à rester maîtresse de la situation, décide de porter le dernier coup, en l’absence de son mari. Elle propose à Rachid de lui louer un taxi.
- Je comprends que tu ne veuilles plus d’elle ici. Si tu me débrouilles un taxi, je l’emmènerai chez ses parents.
- Oui, je peux le faire.
Rachid a la tête baissée. Il ne peut pas voir son sourire heureux. Il ne se doute de rien…
(À suivre)
A. K.
ADILAKATIA@YAHOO.FR
28 octobre 2010
Non classé