Edition du Dimanche 29 Mai 2005
La nouvelle de Adila Katia
Cœurs brisés
RÉSUMé : Hamid emmène Nawel chez le médecin du quartier. Nawel est revenue à elle. Le médecin l’a examinée et en conclut que le stress y est pour beaucoup. Il lui prescrit des calmants et demande à Hamid de prendre soin d’elle. Mais comment le faire avec sa famille chez eux ? Sa mère ne la laissera jamais tranquille…
Nawel s’est mise au lit. Le calmant n’a pas encore fait son effet. Elle voudrait dormir pour ne plus entendre ces voix, ces rires. Elle ne voudrait plus penser. Elle s’efforce à sourire quand Hamid revient dans leur chambre. Il ferme à clef. Il va près de la fenêtre et reste debout, pensif.
- Je suis désolée, lui dit-elle. Je sais que tu aurais voulu que tout se passe différemment. Cela fait trois ans que tu ne les as pas vus… Si je pouvais changer le monde et les gens, les seules personnes avec qui je m’entendrais seront ceux que tu aimes le plus. Je suis désolée.
- Tu n’y es pour rien, soupire Hamid. Ils n’ont rien contre toi. Il y a seulement cette querelle que leurs grands-parents ont eue. Tous se sentent concernés sauf moi. Je t’aime et rien ne pourra changer cela. Ni les critiques de ma famille ni leur hostilité. Enfin, s’ils continuent, je te jure que je les mettrai à la porte.
- Tu n’oseras jamais.
- Si j’ai pu vivre trois ans sans eux, je peux aussi le faire durant toute une vie, lui affirme Hamid. S’ils se tiennent tranquilles, je n’aurai pas à le faire mais s’ils nous embêtent, je couperai court. Nawel veut bien le croire. Il est si ferme. Cela la rassure. Elle ne tarde pas à s’endormir. Son sommeil est lourd et sans rêve. Jusqu’au matin.
Quand elle ouvre les yeux, elle voit son mari prendre sa veste.
- Bonjour, lui dit-il. Tu t’es bien reposée ?
- Oui, répond-elle, en jetant un coup d’œil au radio-réveil. Pourquoi pars-tu si tôt ?
- Je n’avais pas tout fini hier, soupire Hamid. Je pars pour pouvoir me rattraper.
- Bonne journée alors !
- À toi aussi ! dit-il avant de sortir de la chambre.
Nawel décide de ne pas s’attarder au lit. Elle se lève et, en se rendant à la salle de bains, elle voit que sa belle-famille dort encore. Son beau-père et ses beaux-frères ont dormi sur les canapés du salon. Les femmes dorment dans la chambre.
- Oh ! ce n’est pas vrai !
La salle de bains est sale. Il n’y a plus d’eau dans la grande cruche et les jerrycans. L’odeur qui s’échappe des toilettes est insupportable. Nawel a envie de vomir. Elle a une réserve d’eau sur le balcon et va en prendre. Le balcon ne donne plus sur la ruelle depuis qu’elle y a installée un rideau. Elle y fait sa toilette, refusant de retourner à la salle de bains.
Elle se rend à sa chambre et ouvre grand la fenêtre pour bien aérer. Elle met de l’ordre dans la pièce puis se prépare. Une fois qu’elle en a fini avec sa propre personne et dans sa chambre, elle prend son sac à main et ferme à clef. Elle n’est pas surprise de trouver la cuisine dans un état indescriptible. Sa belle-famille a bien mangé mais personne n’a jugé utile de nettoyer et de ranger.
Nawel se refuse d’y toucher. Elle décide de ne pas prendre de petit-déjeuner. Alors qu’elle s’apprête à sortir, son beau-père fait irruption derrière elle.
- Où pars-tu ?
- À mon travail, répond-elle.
- Hier soir, tu jouais la mourante et maintenant, tu es d’aplomb pour une journée de travail, rétorque-t-il. C’est loin d’ici ?
- Oui.
- Tu m’attends, je vais t’accompagner, décide-t-il.
- Je n’ai besoin de personne pour m’y rendre, dit Nawel qui rougit de colère.
- À partir d’aujourd’hui, tu ne sortiras plus jamais seule. Nawel se retient de lui répondre. Elle le sent prêt à la querelle. Elle attend qu’il entre dans la salle de bains pour partir sans bruit. Même si elle sait que son geste allait provoquer sa belle-famille. Comme il est encore tôt, elle se rend au travail de son mari. Elle a des choses à lui dire.
(À suivre)
A. K.
ADILAKATIA@YAHOO.FR
28 octobre 2010
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