Hormis quelques vagues aveux, concernant des erreurs d’aiguillage dans la gestion publique, le discours du Premier ministre, ce jeudi, n’avait pas pour but essentiel d’éclairer le Parlement encore moins d’ouvrir un débat avec celui-ci.
Ouyahia, qui n’est d’ailleurs pas le parangon de la transparence, ne se souciait certainement pas des échos ultérieurs qui allaient susciter son supposé exercice de communication. L’APN, à laquelle il s’adressait, pose, il est vrai, moins de problèmes en termes de crédibilité au gouvernement que ne le fait l’opinion. Or, cette énième explication de texte ne peut que contribuer à conforter le scepticisme ambiant qui règne dans le pays. Comme à son habitude, ce Premier ministre a toujours été indisposé quand il s’est agi de l’autocritique préférant à celle-ci la glorification qui, depuis longtemps, irrite le sens commun. À rebrousse-poil de ce que ressent la société, il persiste à parler de bien-être face à la détresse et de confiance quand la défiance, le doute et le courroux s’expriment un peu partout. L’entêtement qu’il met (au nom du chef de l’Etat évidemment) à toujours vouloir occulter l’insoutenable dégradation de la situation globale peut être interprété comme un indicateur de la fuite en avant du régime face à la crise qui va en se compliquant à travers l’immoralité de certains commis véreux. Les constats sont, de nos jours, tellement accablants pour le régime qu’ils ont cessé d’être du ressort exclusif des spécialistes et autres opposants politiques. Ils sont désormais établis avec la même pertinence que les analystes patentés mais cette fois dans tous les cafés du pays. Parce qu’ils sont quotidiennement alimentés par un nouveau scandale révélé par la presse et, dans le même temps, impunément ignorés par la puissance publique, les Algériens ne croient plus un mot de ce que la parole officielle affirme occasionnellement. Dire par conséquent que le régime a définitivement perdu la bataille de l’opinion se vérifie bien mieux dans les sarcasmes des cafés que dans les colonnes des journaux. Le démagogue que n’a jamais cessé d’être Ouyahia aurait-il dû s’en souvenir et en tenir compte avant de rédiger le fameux discours de jeudi ? Certainement ! Or, l’ultime ruse qui pouvait l’aider à recourir à de faux aveux pour la circonstance lui a fait défaut, gâchant ainsi une opportunité de rabibocher l’image de l’Etat quitte à faire semblant d’être vertueusement responsable de ce qui ne va pas. Car, comme l’exige la grandeur de la servitude de l’Etat, un fusible sert à cela ! Comparée au vent du boulet qui siffle aux oreilles de Belkhadem, la situation d’Ouyahia paraît presque enviable ! En effet, le gangstérisme est de retour dans les officines du FLN, où de kasma en mouhafadha, l’on se bat comme des chiffonniers. Voilà un ex-parti unique qui, après avoir été le gardien des tables de la discipline militante, vire sa cuti et libère ses ouailles qui, à leur tour, se vautrent dans la prédation politicienne. Cette guéguerre des baronnies, qui met à mal l’autorité du secrétaire général, n’est en vérité qu’un dommage collatéral de ce que celui-ci a inventé et mis en pratique en juillet 2003. Oublie-t-on qu’on lui doit, avec la complicité d’El- Mouradia, le recours à la violence des nervis pour régler le problème d’un congrès qui n’avait pas leur assentiment ? Cathédrale du système, elle n’est désormais qu’une pétaudière où s’affrontent les appétits des uns et des autres et se règlent les comptes comme on le ferait dans les terrains vagues. Avant-hier, elle était le siège de la seule messe idéologique quand ces derniers jours, on l’a redécouverte sous les traits d’un repaire de la malfaisance qui, d’ailleurs, a fait ses armes sous la férule de ce même Belkhadem. C’est dire que les recours aux expéditions punitives ne sont pas une innovation dans ce parti. Depuis l’inélégant limogeage de Mehri, sur injonction du pouvoir de Zeroual, jusqu’à l’exclusion de Benflis par la bastonnade de voyous, le scénario est le même sauf que, dans certaines séquences, nous avons littéralement affaire aux codes maffieux. Ce serait justement le cas de Belkhadem qui n’aurait pas tenu ses engagements et ses promesses vis-à-vis de ceux qu’il a instrumentés contre Benflis et qui l’ont porté sur les fonts baptismaux de la «loge». Une histoire de récompenses non tenues qui lui vaut la posture ridicule de l’arroseur arrosé, tant il est vrai que cette jacquerie des caciques n’est pas orchestrée cette fois par le sommet de l’Etat.
- «En voyant comment le parti fonctionne, en analysant sa composante humaine et en connaissant les objectifs premiers de ses militants, il ne me semble pas que le FLN ait un rôle fondamental à jouer dans la prochaine élection présidentielle », expliquait à El Watan le politologue Rachid Grim ( El Watan du 19 octobre). Accréditant plutôt la thèse qui veut que le FLN ne sache jamais sortir de l’orbite du pouvoir et qu’il soutiendra «le candidat adoubé», ce même spécialiste nous rappelle que cet appareil ne peut postuler à la visibilité qu’à l’ombre du pouvoir d’Etat. Par une aptitude, acquise au fil des décennies, à se mettre au service des puissants du moment, il est paradoxalement parvenu à l’incapacité d’accéder à une quelconque autonomie de pensée. Le FLN demeure par tradition une chapelle politique qui n’envisage l’avenir qu’à travers le «dévisagement » des pouvoirs. En somme, il scrute seulement les olympes du régime et jamais les horizons d’un pays. Ceci expliquant cela, on comprend pourquoi les barons ruent dans ce landernau politique. Car à court terme (2012), le pouvoir mettra aux enchères quelques mandats électifs en guise de récompense. Or, il incombait à Belkhadem de renvoyer l’ascenseur à ceux qui lui ont fait la courte échelle en 2003. Ce qu’il a oublié de faire, semble-t-il ! Coupable donc de ne pas respecter un «contrat», certains barons lui prédisent la «peine capitale» pour sa carrière. En somme, la sentence maffieuse adaptée à la politique !
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23 octobre 2010
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