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A quoi sert l’histoire ? par N. Chekroun*

23 octobre 2010

Contributions

La mémoire ! La mémoire algérienne apparaît comme le principal matériau et enjeu des prédateurs de mémoire. Comment procèdent-ils pour coloniser la mémoire ? La mémoire ! La mémoire algérienne apparaît comme le principal matériau et enjeu des prédateurs de mémoire. Comment procèdent-ils pour coloniser la mémoire ?

Imposer de force leurs valeurs ? Occulter la mémoire vraie pour lui substituer des croyances et des mythes ?



A l’occasion du 20 e anniversaire de sa fondation un journal algérien a publié les contributions de trois (3) historiens, deux (2) français – un (1) français de souche, un (1) autre naturalisé par décret – et un (1) notable musulman.

Voir au-delà des murs

La configuration du champ intellectuel qu’ils forment est révélatrice des luttes politiques et des conflits d’intérêts en jeu, hier et aujourd’hui, autour des ressources naturelles de l’Algérie. Nous soumettons ici aux lecteurs non pas une analyse totale mais seulement les résultats d’une étude des contributions des deux (2) premiers historiens.

L’occasion ratée, de G. Meynier

Indéniablement dans son article, Gilbert Meynier a la dent dure contre l’islam. Son texte est structuré sur l’opposition : Nous (occidentaux, valeurs universelles, le bien) / Eux ((les musulmans, valeurs refuges, le mal). Il ressort de sa contribution une idée phare : c’est la faute à l’islam. C’est l’argument massu de Gilbert Meynier. Antique rengaine des théoriciens de la pacification pour se décharger de la responsabilité de leurs atrocités sur leurs victimes – enfumés, emmurés vivantes. Plein d’animosité, il écrit « Plus que jamais, reste proclamé (en Algérie) l’ancrage à l’islam.» On croirait lire un malheureux boursicoteur….

Ce ressentiment contre l’islam est observable dans ses livres. Prenons à titre d’exemple un de ses livres, il y consacre un chapitre entier à l’entre-deux-guerres en Algérie sans dire une phrase, un mot des oulémas algériens. Drôle de gageure de la part d’un historien qui aborde l’Algérie de cette période. Néanmoins il se rattrape, dans autre chapitre traitant de la révolution ; il colle une phrase au milieu de rien pour porter un jugement loin de toute objectivité scientifique.

Pour Gilbert Meynier indubitablement la France et l’Occident ont raté une aubaine qui ne se représentera pas. Ils auraient pu éradiquer l’islam, s’ils avaient mis un peu de cohérence entre leurs pratiques et leurs discours. En effet «… des valeurs présentées comme universelles par le colonisateur – éducation, rationalité, démocratie – mais bafoués par lui ou utilisés comme instrument de séduction donc de pouvoir et constamment truquées», poussèrent, écrit-il, les musulmans dans les bras de valeurs refuges. Vous avez reconnu ici «le fardeau de l’homme blanc». Bien sûr. Le mythe de «la mission civilisatrice». Gobineau est revenu.

Dans cet article, l’islam encombre et contrarie jusqu’à l’exaspération. Pourtant peut-on écrire la révolution française en ignorant Diderot, Voltaire, Rousseau ?De même on ne comprend pas la révolution algérienne sans avoir lu Djamal Edine El Afghani, Abderrahmane El Kawakibi, Mohamed Abdou, Mohamed Rachid Réda, Abdelhamid Benbadis….

A lire la passion dans laquelle écrit, Gilbert Meynier il semblerait que toutes ses «souffrances» se soient cristallisées dans l’islam («souffrance» étant une notion clé du catholicisme).

L’Algérie ou la naturalisation de la «violence», de B. Stora

B. Stora, lui, va plus loin ; pour lui ce n’est pas la faute à l’islam. Non. C’est la faute à l’Algérien. La démarche de Stora est subtile. Pour lui l’idée centrale dans l’écriture de l’histoire d’Algérie c’est la «violence». Stora escamote l’essentiel : notre mémoire. Contrairement au Français de souche, son concurrent (blanc et catholique), il n’attaque pas de front, en habile journaliste roué aux subtilités de la persuasion il l’occulte. Mais son texte, à lui, à une «valeur marchande». Il est structuré selon une opposition binaire : Passé (son écriture de livres) / Présent (son passage à l’audiovisuel grand public). C’est une rédaction de marketing dissimulé sous la forme d’un écrit sur l’histoire qui dit en substance : Attendez ma production marchande ! Consommez ! Vous avez reconnu ici la religion de l’intérêt.

Ses axes de la recherche? De la «violence» à toutes les sauces : «les femmes dans le maquis», entendre probablement la violence des Fellaghas contre les femmes dans le maquis, «la guerre cruelle entre les partisans de Messali et ceux du FLN», « les débats autour des personnalités comme Amirouche,… », «L’intégration de ces thèmes dans les manuels scolaires»… Rien que ça ! On a bien compris que pour Stora : «les indigènes s’étripent». Il s’agit de nous dégouter, de nous horrifier. La révolution algérienne ? Un repoussoir. Une tache.Une souillure.Un péché originel. Ancrer le sentiment de culpabilité avant même la naissance.

Stora fait comme s’il n’y a jamais eu ces lumières que furent les Atfayach, Racim, Benbadis, Bayoud, El Okbi, El Ibrahimi, Tebessi, El Mili, Zamouchi, Salhi, El Ourtilani, Moufdi, Bennabi… Ces intelligences qui ont brisé l’imaginaire français raciste avant que ne l’achève Amirouche – Président de la 15 e section de l’Association des Oulémas, à Paris. La guerre d’Algérie n’est pas un Djihad, pour Stora, pas une guerre de libération, c’est une pure «violence».

La violence est présentée en dehors de tout contexte comme si elle était de l’ordre du naturel chez l’Algérien. Et depuis 1990 – coïncidence -, nous signale-t-il, il met les moyens pour nous en convaincre tous – petits et grands – en investissant dans : l’image – l’audiovisuel. A coté de l’historiographie de la «violence», de la littérature de l’urgence, et des fictions cinématographique sur la «violence» probablement que bientôt se développeront des bandes dessinées pour les petits algériens pour les convaincre qu’ils sont génétiquement «violents».

Détermination révisionniste

Cette manière chez Stora à s’aveugler est systématique1. Mais pris au dépourvu, il se montre mauvais improvisateur. Ainsi à une question d’un journaliste algérien qui lui demandait, il y a quelques mois, pourquoi les juifs ont quitté l’Algérie B. Stora répond : « Ils ont suivi leur travail.». A se tordre de rire !… L’occultation est une injure à l’intelligence.

Cette hargne contre notre mémoire, cette occultation de notre histoire, ce révisionnisme décomplexé et déterminé, cette «destruction créatrice» façon Léo Strauss, en Algérie, a déstabilisé l’Algérien intellectuellement ; l’a fait douter de lui-même ; et ouvert la voie royale à l’immixtion des d’Yve Bonnet, et de ses acolytes dans les choix des algériens. Cela n’a que trop duré, depuis 79.

Dites. C’est quelle tendance ?

La conséquence nécessaire et évidente de ces argumentaires est qu’il n’y a pas de condamnation chez les deux historiens de ce que fut la colonisation. Il n’y a pas le moindre soupçon de début de repentir. Au contraire il y a même planification pour la répétition du scénario de la colonisation. En effet le pire est à craindre lorsque Lies Boukraa, Directeur du Centre Africain d’Etudes et de Recherche sur le Terrorisme (Caert), déclare, à propos du terrorisme dans le sahel, que «L’enjeu véritable n’est rien de moins que la recolonisation de l’Afrique.» Il est difficile pour certains de croire que les idées de croisades, de colonisation, de racisme continuent de vivre et de faire fortune. Et pourtant !… L’analyse des écrits de nos deux historiens révèlent que le monstre est de retour. La loi du 23 Février ? Un épiphénomène.

La leçon

En réalité il n’existe pas de «culture internationale» car cela ne veut absolument rien dire. Fabriquer pour faire plaisirs à ses bienfaiteurs, ce genre de notions est un attentat à la dignité. Il n’y a pas d’histoire innocente comme semble le croire candidement certains.

Rappelons, encore une fois, que c’est ici non pas une analyse mais juste le résultat de l’analyse rhétorico-argumentative de deux textes de deux prédateurs de notre mémoire.

Notes :

Leila Benmansour, Ferhat Abbas, L’injustice, Alger Livres Editions, Alger, 2010. Stora n’en est pas à sa première grossière «erreur». Conférer l’excellent ouvrage de Benamar Benmansour Leila dans lequel elle démontre la manipulation par Stora de la biographie de Ferhat Abbas.

1 Leila Benmansour, Ferhat Abass, L’injustice, Alger Livres Editions, Alger, 2010. Stora n’en est pas à sa première grossière «erreur». Confère l’excellent ouvrage de Benamar Benmansour Leila dans lequel elle démontre la manipulation par Stora de la biographie de Fehat Abbas.

*Universitaire

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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