Edition du Lundi 09 Mai 2005
Culture
Le samedi après-midi, au Salon national du livre, a été consacré à une rencontre philosophique de très haut niveau animée par le Pr Chebchoub de la faculté de Tunis.
Ce n’est pas à une communication qu’étaient conviés les auditeurs de cet énième Café littéraire, qu’organise la Bibliothèque d’El Hamma depuis quelque temps déjà, mais à une discussion philosophique très animée et commentée. Elle a permis aux personnes présentes de participer pleinement à la conférence du Pr Ahmed Chebchoub qui a usé d’une certaine pédagogie pour impliquer l’assistance dans les réflexions et les problématiques qu’il a posées.
Certes, le sujet du débat, lui-même assez captivant, a permis une certaine symbiose : “Le citoyen maghrébin et la philosophie des sciences” L’incrustation peu à peu dans le sujet à travers des questions pertinentes , a permis une compréhension de certains principes philosophiques, certes, mais surtout le rapport qu’a le citoyen, du Maghreb en somme, du monde arabe avec les sciences.
Et ces sciences sont-elles universelles ? A priori oui, répond l’assistance. Pourtant, au cours de sa communication le Pr Chebchoub tente de démontrer que le rapport qu’ont les Arabes avec les sciences est différent de celui entretenu par les Occidentaux, sans insister sur le fait que “l’être humain s’approprie les sciences qui sont fondées sur la raison, donc universelle, mais pas sur la religion ni la nationalité”. Il avance pourtant la thèse du penseur et philosophe Gaston Bachelard qui dit que “l’obstacle culturel” existe. Et au Pr Chebchoub de s’interroger, et là, il met en évidence une enquête faite avec des étudiants tunisiens et français, en 4e année biologique, en posant juste la question : “Pourquoi les enfants ressemblent-ils aux parents ?”
Si la réponse est évidente scientifiquement, celle des étudiants français avancent, à plus de 80 %, la génétique et les gênes. Quant aux Tunisiens, ils évoquent plutôt des considérations culturelles comme lawham ou l’envie de la femme durant sa grossesse. Alors, si ces sciences sont présentées comme universelles, sont-elles alors perçues de la même manière chez les deux groupes ? Ainsi, évoque-t-il encore une fois Gaston Bachelard qui semble avoir une grande influence sur le Pr Chebchoub. “Pour acquérir la science, il faut dépasser l’obstacle.”
En matière de sciences, le fait religieux intervient dans le processus de l’apprentissage dès qu’il s’agit de la création, de l’évolution humaine mais, peut-on, s’interroge le professeur, effacer Darwin de ce processus ? L’autre terrain à explorer avec le Pr Chebchoub est l’histoire de la science. S’est-elle développée d’une manière linéaire ou a-t-elle été interrompue ? Bachelard dit que “l’histoire des sciences et une histoire discontinue”. Si les sciences ont donc pu se développer de manière linéaire, il y aurait une place pour les sciences arabes, tire comme conclusion le Pr Chebchoub.
Après avoir fait le tour de la question, en passant bien sûr par Descartes, Aristote, Roshdi Rashed, Platon et autres, celle de l’apprentissage des sciences reste posée. Car les sciences nous viennent de l’Occident. Or, la première relation avec les sciences ce sont la productivité, puis la traduction et la diffusion. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les Japonais consacrent 3 % de leur PNB à la recherche scientifique contre 2,9 % pour les Américains, 2,5 % pour l’Union européenne et 0,4 % pour les pays arabes. Israël vient en tête avec 3,2 %. Cela est matière à méditation car il faut développer l’enseignement scientifique ainsi que la recherche mais aussi donner l’opportunité aux traducteurs scientifiques. Le Pr Chebchoub, qui a une maîtrise en philosophie, est enseignent-chercheur en didactique, mais c’est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment La pédagogie numérique et Ecole et modernité en Tunisie et dans les pays arabes, parus aux éditions l’Harmattan.
N. B.
22 octobre 2010
LITTERATURE