Edition du Jeudi 05 Mai 2005
La nouvelle de Adila Katia
Deux décennies de trop
RÉSUMÉ : Occupée à tout préparer pour bien recevoir la future belle-famille de sa fille, Djamila n’a plus le temps de penser à Madjid. Tout se passera comme dans un rêve. Mais après le départ de ses enfants, le vide et le silence de la maison lui seront insupportables. Djamila sort pour les fuir…
Djamila ne se retourne pas, même si elle a la sensation d’être épiée depuis un moment. Elle continue de marcher dans la rue puis entre dans la première boutique qui est sur son chemin.
Elle feint de s’intéresser aux articles exposés avant de regarder dans la rue.
- Lui ?
Madjid est là. Il sourit. Elle le voit hésiter à entrer dans la boutique mais il le fera. Djamila était si soulagée qu’un sourire s’est vite dessiné sur son visage.
- Bonsoir, lui dit-il.
- Pourquoi m’avoir effrayée ? lui reproche-t-elle. Je pensais que c’était un voleur ou un fou qui voulait s’en prendre à moi.
- Excusez-moi, je ne voulais pas vous causer une frayeur, répond Madjid. Mais je voulais vous parler. Êtes-vous d’accord pour prendre un café ?
- Le problème, où le prendre ?
- Je connais un salon très discret, dit-il, heureux qu’elle n’ait pas refusé.
- Un salon, reprend Djamila. Je ne suis plus en âge de me rendre à ce genre d’endroits. Que diront les gens qui me reconnaîtront ? Ils vont croire que j’ai craqué. Prendre un café avec un jeune ! Non, je ne peux pas.
- Bien, allons dîner au restaurant, propose-t-il. Là, il n’y aura personne pour vous gêner.
- Il n’est même pas dix-huit heures et puis, je ne peux pas. C’est un endroit public, je peux tomber sur n’importe qui.
- Il n’y a rien de mal à dîner ensemble, rétorque Madjid.
Djamila trouve que si, même si elle est terriblement tentée. Si elle est ressortie de chez elle après une longue journée de travail, c’est parce que la solitude l’étouffait. Rien qu’à la pensée de se retrouver seule en rentrant, elle finit par dire oui. Madjid ne cache pas sa joie.
- Je vais chercher ma voiture, ne bougez pas d’ici. Je reviens tout de suite. Un quart d’heure passe avant qu’il ne revienne en voiture. Djamila regarde autour d’elle avant de monter. Ce geste agace Madjid et il lui fait la remarque.
- Pourquoi avoir peur du regard des autres ?
- Je sais qu’ils seront sans pitié. Leur jugement sera sans appel. Ils ne comprendront pas, murmure-t-elle. Je ne suis plus si jeune. Et vous, votre vie commence à peine. Dans le fond, je leur donne raison.
- Ce que je vais vous dire paraîtra fou, lui dit Madjid. Mais moi, j’ai le sentiment que ma vie a commencé le jour où je vous ai connue. Je vous aime plus que tout au monde. Il est si grave et si sérieux que Djamila n’a plus aucun doute. Il est vraiment amoureux d’elle. Et elle aussi ressent quelque chose. Lors du dîner, cette fois, ils ont l’occasion de discuter longuement d’eux-mêmes, de leur vie.
- Vous êtes belle, instruite et pleine d’autres qualités. Pourquoi ne pas avoir refait votre vie ? lui demande-t-il. Les prétendants ne doivent pas manquer.
- Je sais. Je n’y pensais même pas. Je ne vivais que pour mes enfants. Maintenant, ils sont grands. La petite va se marier cet été, ils ont grandi si vite.
- Il faut penser à vous maintenant, lui dit Madjid. Et vivre pour vous.
Djamila sourit. Elle ne le lui dit pas mais elle en a l’intention.
(À suivre)
A. K.
ADILAKATIA@YAHOO.FR
22 octobre 2010
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