Edition du Mardi 24 Mai 2005
La nouvelle de Adila Katia
Cœurs brisés
RÉSUMÉ : Nawel se lève très tôt. Elle ne cesse de penser à sa belle-famille. Les conditions dans lesquelles s’est passé leur mariage ont été très pénibles à vivre. En s’installant à Maghnia, en vivant loin d’elle, ils ont cru pouvoir préserver leur union de ses mauvaises intentions. Mais la voilà, prête à entrer dans leur vie…
-Tu les amèneras à quelle heure ? demande-t-elle.
- Avant midi. Je ne peux pas payer une autre nuit d’hôtel. Ils devront quitter leurs chambres avant la fin de la matinée, dit Hamid. Je les amènerai durant ma pause déjeuner. Tu seras là ?
- Si je serai là ? Je ne sais pas, soupire Nawel, les yeux pleins de larmes. J’ai tellement peur. Je me sens mal rien qu’à l’idée de les voir.
- Je t’en prie Nawel, il faut que tu fasses un effort. Si tu te montres conciliante et ouverte avec eux, ils finiront par rendre les armes. Ils t’aimeront autant que moi, lui affirme-t-il. Il te suffit juste de t’ouvrir à eux.
- Pour qu’ils puissent mieux me torturer, soupire la jeune femme. Je me demande comment tu peux imaginer un seul instant que cela puisse marcher entre nous !
- Je garde l’espoir. Bon, j’y vais.
Nawel l’accompagne jusqu’à l’entrée et, comme d’habitude, ils s’embrassent. Hamid parti, Nawel retourne à la cuisine. Elle rince les tasses puis va se préparer. Avant de partir, elle fait le tour des pièces et se demande où elle va mettre sa belle-famille. Puis elle pense à ses objets de valeur et les range dans sa chambre. Elle ferme à clef, refusant de leur donner l’occasion de les prendre en son absence.
Elle part à son travail. Elle n’aura pas la chance d’arrêter un taxi et devra se rendre à l’atelier de couture à pied. Elle arrive en retard. Elle est à peine installée que son responsable vient la voir. Il lui montre la pendule.
- C’est quoi ce retard ? lui demande-t-il.
- Je m’excuse, murmure-t-elle. Cela n’arrivera plus.
- Je l’espère pour vous. C’est la troisième fois. Si cela devait se reproduire, vous perdriez votre emploi, la prévient-il. Même si vous êtes un bon élément.
Nawel a bien compris. Le responsable la laisse enfin travailler. Même si elle s’efforce à bien faire, elle ne peut s’empêcher de penser au changement qui aura lieu dans sa vie aujourd’hui.
Plusieurs fois, elle se pique les doigts. Il lui semble que le temps a vite filé. C’est déjà l’heure de la pause. Elle a l’estomac noué par l’inquiétude. Elle sort, non pas pour aller déjeuner mais pour marcher un peu. Elle pense pouvoir se détendre un peu mais tout la ramène à sa belle-famille. Hamid doit les avoir amenés chez eux. En voyant une cabine de téléphone, elle a envie d’appeler pour savoir s’ils sont déjà à la maison. Elle glisse une pièce et compose leur numéro. On décroche à la deuxième sonnerie. Et ce n’est pas Hamid.
Nawel raccroche. Son cœur bat fort. Elle n’a pas reconnu la voix mais c’est celle d’une femme. Certainement sa belle-mère.
Elle est à peine arrivée qu’elle se conduit en maîtresse des lieux. Nawel enrage. Elle en veut à son mari d’avoir choisi de les prendre chez eux. Il les connaît. Tout comme elle, il sait que tout se passera mal.
Il aurait dû les renvoyer au bled. Le problème aurait été vite résolu. Même déçus et en colère, leur foudre n’aurait pu les atteindre. Maintenant qu’ils sont installés chez eux, rien ne pourra les protéger. En particulier elle.
(À suivre)
A. K.
ADILAKATIA@YAHOO.FR
22 octobre 2010
1.Extraits