Edition du Samedi 21 Mai 2005
La nouvelle de Adila Katia
Cœurs brisés
RÉSUMÉ : Nawel s’est rendue chez son gynécologue pour connaître l’origine de son mal. L’échographie ne révèle rien. Nawel retourne à l’atelier de couture où elle travaille. Quand elle rentre chez elle, elle est si fatiguée qu’elle ne répond même pas au téléphone…
Nawel a fini par s’assoupir. La nuit est presque tombée. Quand elle ouvre les yeux, la chambre est plongée dans l’obscurité. Elle se tourne vers le radio-réveil et porte la main à la tête. Il est plus de 20 heures.
Elle remarque que Hamid n’est pas encore rentré de son travail. Il est comptable dans une entreprise privée et, ces jours-ci, il y a plus de travail que d’habitude. Des livres de comptes à vérifier, lui a-t-il dit.
Nawel se lève et prend le téléphone. Elle compose le numéro du bureau de son mari. Personne ne répond.
La jeune femme va à la salle de bains pour se changer et se rafraîchir le visage. Bien réveillée et bien reposée, elle se rend à la cuisine et grimace devant l’évier plein de vaisselle de la veille. Sur la table, il y a encore les restes du dîner. Elle s’en débarrasse rapidement et retrousse les manches de sa robe. Après avoir lavé la vaisselle, elle prépare un ragoût de mouton et une salade variée.
Puis, elle lave le linge qu’elle avait mis à tremper la veille. Toute occupée qu’elle est, elle ne remarque pas tout de suite que l’heure a encore tourné. Hamid n’est toujours pas rentré. Une fois le linge étendu sur le fil du balcon, elle se rappelle le ragoût de mouton qui cuit depuis longtemps. Elle court à la cuisine et soulève le couvert de la marmite. Son contenu a tout simplement cramé.
- Oh, mon Dieu !
Jamais cela ne lui est arrivé et tout en grattant avec une cuillère en bois, elle se demande ce qu’elle pourrait bien préparer rapidement. Hamid allait rentrer d’un instant à l’autre.
Elle est si énervée qu’elle n’entend pas frapper puis la porte s’ouvrir. Ce qu’elle a dans les mains lui glisse. Elle a sursauté lorsque Hamid a posé la main sur son épaule.
- Doucement, lui dit-il. Je ne voulais pas t’effrayer.
Nawel s’emporte après lui.
- Tu voulais ma mort ou quoi ? rétorque-t-elle en gardant la main appuyée sur son cœur. Qu’est-ce qui t’a pris de marcher sur la pointe des pieds ?
- Mais j’ai frappé, dit Hamid. J’ai cru que tu étais scotchée à la télé ou endormie, pour ne pas venir m’ouvrir. J’ai ouvert, j’ai posé les sachets sur la table. Tu étais à mille lieux d’ici… n’est-ce pas ?
- La journée a été pénible, soupire-t-elle. À la pause d’une heure, je suis allée à la poste puis à mon rendez-vous chez le gynécologue. Puis je suis retournée à l’atelier. Quand je suis rentrée à la maison, j’étais si fatiguée que je me suis endormie.
- C’est pour ça que le dîner n’est pas prêt, remarque-t-il. D’habitude, la table est prête à cette heure-ci.
- Oui, d’habitude.
Nawel se penche pour ramasser la corbeille qui lui avait glissé des mains.
- Ce soir, le dîner a cramé, lui dit-elle. On devra se contenter de la salade et d’une omelette.
- Pour te dire vrai, j’ai déjà dîné.
- Ah… s’écrie Nawel. Où ça ? Avec qui ?
Hamid hésite à lui répondre. Il sait d’avance qu’elle ne va pas sauter de joie. Depuis quelques jours, il y a eu un changement dans sa vie. Il a tellement craint sa réaction qu’il a toujours hésité à la mettre au courant. Maintenant que le temps le presse, il se retrouve perdu. S’il lui dit ce qu’il en est, elle sera furieuse et s’il en fait toujours un secret, cela risquera de tout gâcher entre eux. Après, elle ne lui fera plus confiance. Et malgré tout, même s’il voit bien qu’elle commence à s’impatienter, il hésite encore.
(À suivre)
A. K.
ADILAKATIA@yahoo.fr
22 octobre 2010
1.Extraits