I Kola La queue
Noir et blanc
l kola, comme on dit en Oranie. Tout le monde l’a fait un jour ou l’autre. De grâce ou de force. Et celui qui prétend n’avoir jamais crapahuté au milieu d une chaîne est un fieffé menteur. À moins qu’il ne vive dans une bulle ou au milieu des kangourous. C’est d’ailleurs la première chose que l’on apprend quand on est gamin. La technique est simple :
on se place derrière une file, on colle au dernier branquignol qui colle à l’avant-dernier de la chaîne lequel colle à l’avant-dernier de la chaîne et ainsi de suite jusqu’à ce que la procession de zawali ressemble à une armée de chenilles en ordre de bataille. Pour éviter l’image du consommateur lambda, bêlant et tout à fait idiot, on pousse de temps en temps une gueulante en chœur en direction des resquilleurs et on donne de la voix juste pour les dissuader de nous brûler la politesse. Puis commence la lente progression des cabas vides. Petits pas après petits pas, centimètre après centimètre, pour arriver enfin au sésame d’une livre de café en période de crise ou d’un morceau de beurre. Les godasses font mal, les fronts suent et les lèvres ont un rictus qui en dit long sur le martyre de la file. Souvenez-vous des quinquas si vous n’êtes pas encore tout à fait ramollis. C’était l’époque des pénuries, de la débrouille et des offices socialistes, et les pantalons patte d’éléphant étaient portés par tous. Il y avait du binz et du bazar dans notre économie. Avec le recul, on trouve ça presque sympa aujourd’hui. Il y a moins de binz actuellement. Moins de bazar. Plus d’économie, mais en revanche, une incroyable industrie… de la chaîne. Si on trouve de tout dans nos rayons,il y a, par contre, comme une pénurie de fonctionnaires derrière les guichets, dans les services. Pour régler sa facture d’eau, il faut faire la chaîne à Oran. Pour payer sa facture d’électricité, il faut passer par là. Pour encaisser un chèque CCP, vous êtes sûrs d’écoper de la même peine. Bref, la seule issue pour vivre et pour vous en sortir : l kola. M. M.
21 octobre 2010
M. MOHAMMEDI