Edition du Samedi 04 Juin 2005
La nouvelle de Adila Katia
Cœurs brisés
RÉSUMé : Nawel a bien fait d’appeler sa mère. Elle l’a persuadée de reporter leur visite pour qu’elle et Hamid puissent venir au village. Elle tient à ce que ce soit elle qui leur apprenne la nouvelle de la présence de sa belle-famille chez elle. Mais Hamid n’a pas envie de parler de sa famille…
Nawel est surprise par sa réaction. Elle ne comprend pas son mari.
- Ils apprendront tôt ou tard la nouvelle, lui dit-elle. Je préfère que ce soit moi. Parce que je crains leur réaction.
- Ils doivent se montrer compréhensifs, répond Hamid. Pour toi, j’ai renoncé à eux.
- Oui, mais pour un temps, réplique-t-elle. Maintenant qu’ils vivent avec nous, cela prouve que nous sommes réconciliés. Mes parents doivent savoir.
- Tu ne pourrais pas attendre une autre fois ? la prie Hamid. Je veux me reposer. Si on parle de ma famille, j’aurai les nerfs en boule.
- Moi, je les ai chaque jour… Je n’ai pas voulu d’eux chez nous, lui rappelle-t-elle. Mais par amour pour toi, j’ai ravalé ma colère. Tout ce que je subis depuis leur arrivée, tu crois que c’est facile à vivre, à supporter ? Non, mais parce que c’est ta famille, j’ai accepté. En mettant ma famille au courant, j’évite des problèmes. Je ne veux pas en avoir.
- Apparemment, rien ne changera ta décision, soupire-t-il. Ma famille n’est pas chez nous définitivement. Elle finira par partir.
- Quand ? demande Nawel avec ironie. Maintenant qu’ils ont scolarisé les enfants, je les vois mal partir.
- Ils vont avoir leur propre appartement, la rassure Hamid.
- Oui, mais pour cela, il faudrait que ton père travaille, réplique-t-elle. Les temps sont durs pour chacun d’entre nous.
- Encore plus pour moi. Depuis qu’ils vivent avec nous, en plus de ne plus avoir d’intimité, financièrement, je n’ai plus un rond.
- Je veux bien te croire. À toi de faire remarquer à ta mère que le gaspillage ne détruira pas notre mariage.
- Tu tiens vraiment à dire à ta famille qu’on n’est plus seuls ? insiste Hamid.
Nawel hoche la tête. Elle n’a pas le choix. Après avoir coupé le téléphone pour que leurs mères ne se parlent pas, elle n’allait pas demander à sa famille de ne plus venir chez elle uniquement pour qu’elle ne découvre pas la vérité.
Une fois qu’elle est en face de sa famille, il leur saute aux yeux qu’elle a des choses à dire. Sa mère Keltoum la prend à part, après leur avoir servi du café. Elle ne tient plus en place tant elle est inquiète. Elle est aussi déconcertée. Si quelque chose n’allait pas dans son mariage, Hamid ne l’aurait pas accompagnée et décidé de rester quelques jours chez eux.
- Qu’est-ce qui ne va pas ?
- Tout va bien. Enfin… soupire Nawel, qui hésite à le lui apprendre tant elle redoute sa réaction. Il y a eu des changements dans ma vie.
- Serais-tu enceinte ? Cela se passe mal ? demande sa mère.
- Non, cela n’a rien à voir avec mon envie de fonder un foyer, répond Nawel. As-tu entendu parler des inondations de cet automne ?
- Oui. Mais je ne vois pas le rapport avec ce changement dans ta vie, dit sa mère. Il y a eu des dégâts. Mais pourquoi cette question ?
- La famille de Hamid a perdu sa maison, lui apprend Nawel.
- Elle mérite pire après ce qu’elle a fait à son fils.
- Seulement, en se retrouvant à la rue, ils n’ont pas trouvé mieux que de se réconcilier avec leur fils, poursuit la jeune femme.
- Pourquoi ? De quel droit, après tout ce qu’ils lui ont fait subir ? s’écrie Keltoum.
- Pour eux, ils ont tous les droits, dit Nawel. Ils n’ont pas fait que parler au téléphone, ils sont venus.
- Chez vous ? À Maghnia ?
- Oui, murmure Nawel. Ils ne sont pas venus nous rendre visite mais pour habiter avec nous.
Keltoum change de couleur. Nawel sait que la nouvelle allait la mettre hors d’elle. Sa mère n’a pas encore digéré les souffrances morales que sa belle-famille leur a fait subir. Jamais elle n’acceptera le fait qu’elle puisse vivre avec eux. Nawel espère qu’elle saura être raisonnable et ne pas lui demander l’impossible…
(À suivre)
A. K.
ADILAKATIA@YAHOO.FR
20 octobre 2010
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