Edition du Samedi 30 Juillet 2005
La nouvelle de Adila Katia
“Entre la haine et l’amour”
RÉSUMÉ : Lorsque sa patronne lui parle de changements, juste après avoir pris une nouvelle vendeuse, Sorreya croit qu’elle veut la remercier. Elle remarque deux personnes sur le trottoir qui avancent vers elle en souriant. Elle aurait pu croire à leur sourire mais ce ne sont pas des amies.
Sorreya s’est figée. La surprise la laisse sans voix pendant un moment. Elle s’était attendue à voir Aziz et voilà que la malchance vient de tomber sur elle. Deux vieilles connaissances se tenaient en face d’elle, souriantes de bonheur. Sorreya aurait pu presque croire à leur sourire de joie, mais elles ne sont pas amies.
Elle les avait fuies. Elle se demande comment elles ont pu retrouver sa trace. Il y a six mois qu’elle n’a pas mis les pieds à Baïnem. En s’installant ici à Birkhadem, elle s’était cru à l’abri. La paix dans sa vie n’a duré que six mois. Sorreya avait mal.
- Qu’est-ce que vous fabriquez ici ?
- Tu ne dis même pas bonjour à tes vieilles amies ? lance Houria, aussi jeune qu’elle est belle. Pourtant, avant nous étions amies ! Qu’est-ce qui t’a monté la tête contre nous ?
- Rien. Si j’ai quitté Baïnem, c’est pour mettre un trait sur mon passé. Je ne voulais plus avoir affaire à toi et aux autres. Comme tu le vois, je me suis rangée. J’ai un toit et un travail.
- Tiens, donc ! Et tu oublies que tu es une fille qui n’a ni papa ni maman ? On sort du même trou, Sorreya ! Tu ne peux pas l’oublier. Inutile de nous traiter avec mépris, dit Magda. On ne le mérite pas.
- Je n’ai aucun mépris pour vous, rétorque Sorreya. Je veux continuer ma vie, sans mon passé, sans vous. J’ai commencé une autre vie, j’ai le droit de vouloir tout oublier pour mieux réussir mon avenir.
- Et ça parle d’avenir ! ironise Houria. Qui pourrait te croire ? Avec le passé que tu as, tu sais que tu n’en as pas. Ta patronne sait que tu étais voleuse ? Que sans l’indulgence de certains, parce que tu leur faisais les yeux doux, ton casier judiciaire aurait été bien rempli ! Tu en as eu de la chance et ne crois surtout pas que ça va durer.
- Tu crèves de jalousie parce que j’ai réussi à tout plaquer pour vivre tranquille ! répond Sorreya. Si j’ai volé avant, c’est pour me nourrir et m’habiller. Je ne pouvais pas faire autrement, enfin, c’est ce que je croyais. Mais, grâce à Dieu, j’ai compris qu’on pouvait gagner sa vie honnêtement, poursuit-elle en soupirant. Même si tu crois le contraire.
- Parce qu’il y a un Dieu ? s’écrie Magda. Comment peux-tu y croire après tout ce que tu as vécu ? Tu n’as pas de famille, on ne sait même pas si le prénom que tu portes a été choisi par ta mère ou celui qu’on t’a donné le jour où tu as été retrouvée devant un garage… Même pas devant une clinique. Après toutes les souffrances et les humiliations que tu as subies, tu crois en Dieu ? Mais il n’existe pas Sorreya. Et je te le prouverai ; l’avenir te le prouvera, rectifie Magda. Je m’en charge pour te faire la commission.
- N’essaie surtout pas de te mettre en travers de mon chemin, l’avertit Sorreya. Car je deviendrais aussi cruelle que toi.
Un coup de klaxon la fait sursauter. Aziz était en voiture avec la vitre baissée. À moins d’un miracle, il n’a pas entendu leur conversation. Sans s’excuser, Sorreya s’approche de lui lorsqu’il descend.
- Je suis venu récupérer les paquets.
- Ils sont prêts, l’assure Sorreya, avant d’aller les chercher.
- Mon invitation tient toujours, lui rappelle-t-il après avoir mis les paquets à l’arrière de sa voiture. Je peux même vous accompagner chez vous pour avoir l’autorisation de votre mère.
- Hélas, je ne peux pas, répond-elle, en lançant un regard vers Houria et Magda.
- C’est dommage, murmure-t-il. J’aurais tant voulu vous parler, faire mieux connaissance avec vous.
- Sorreya ! Et si tu nous présentais ? émet Houria en s’approchant d’eux. On est amies. Sorreya sent son cœur manquer de s’arrêter. Elle connaît assez bien Houria pour savoir qu’elle a toujours des idées diaboliques. Que lui prépare-t-elle cette fois ? Son regard sûr et l’ébauche de son sourire ne la rassurent vraiment pas.
(À suivre)
A. K.
adliakatia@yahoo.fr
20 octobre 2010
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