RÉSUMÉ : Nawel ne se laisse pas impressionner par le calme qui règne à la maison, depuis sa sortie d’hôpital. La veille de son départ, elle appelle sa mère et la prévient de sa visite. Sa mère n’a pas changé de position. En cas de problèmes, elle ne veut pas de son enfant. Nawel raccroche, pensant déjà à comment faire pour s’en sortir avec son bébé…
Désolée. Je n’ai pas le choix. Depuis sa tentative de suicide, le médecin et le psychologue qui l’ont suivie lui avaient prescrit des somnifères. Elle en prenait pour trouver le sommeil et aussi le calme. Elle prend le biberon du bébé et y verse le contenu du flacon. Ensuite, elle se rend à la cuisine, feignant d’avoir à préparer un biberon de lait.
Taklit l’y suit et Nawel est gênée par sa présence. Elle ne trouve pas mieux que de lui demander d’amener le bébé à la chambre.
- Je lui prépare son biberon et je viens.
Taklit ne se fait pas prier. Une fois seule, Nawel ne perd pas son temps, elle partage le contenu du biberon entre une bouteille d’eau et celle du jus qu’avait acheté son mari. Elle les secoue bien et les remet au frigo. Elle est en train de rincer le biberon quand Taklit revient, le bébé dans les bras.
- Tu en prends du temps, remarque-t-elle.
- Une minute et c’est bon, dit-elle en lui souriant.
Elle a fini de doser l’eau et le lait en poudre. Elle les secoue et prend le bébé des bras de Taklit.
- Merci beaucoup. Nawel va à la chambre et, une fois que Boualem eut avalé le contenu de son biberon, elle le met au lit. Il ne tarde pas à s’endormir. Hamid est encore au salon et elle en profite pour fouiller le tiroir où il a l’habitude de ranger le peu d’argent qu’il a. Il a perçu son salaire et il a mis de côté de quoi régler les factures d’électricité et d’eau. Elle prend tout, ne lui laissant que quelques pièces.
Avec un peu de chance, s’il boit tout de suite, du jus ou de l’eau quand il vient dans la chambre, ce sera pour se coucher. Le somnifère a un effet rapide. Ceux qui boiront des bouteilles si soigneusement préparées par elle, tomberont de sommeil. Il n’est que dix neuf heures et elle n’a qu’une hâte : que la famille ferme les yeux.
L’attente lui paraît interminable. Plus d’une heure passe avant que Hamid ne vienne se mettre au lit, en se plaignant de lourdeur des paupières. Il s’est traîné jusqu’au lit et n’a pas eu la force de se déshabiller. Nawel soupire de soulagement lorsqu’elle le secoue et qu’il ne réagit pas. Elle attend encore un peu avant de sortir de la chambre. Elle constate que ses belles-sœurs et ses beaux-frères dorment déjà. Sa belle-mère Farida aussi a fini par entrer dans la chambre et n’en sort plus. La seule à résister est la vieille Taklit et elle se doute bien que cette fatigue générale est due à quelque chose.
- Qu’est-ce qu’on a pris ? Pourquoi on est dans cet état là ? Pourquoi tu tiens encore debout ?
- C’est dû aux somnifères, lui avoue-t-elle. Je veux seulement partir, tranquille.
- Ne fais pas cette folie. Personne ne te fera de problèmes maintenant, lui dit Taklit.
- Je ne vais pas attendre qu’il y en ait d’autres, répond Nawel.
Je n’en peux plus de cette vie. Je n’ai pas le choix, je dois partir avant qu’il ne soit trop tard.
- Et où vas-tu aller ? veut-elle savoir.
- On ira où bon me semble. Taklit veut la retenir mais Nawel est décidée. Personne ne peut la faire changer d’avis. Elle n’éprouve aucun regret, même aucun sentiment quand elle prend son bébé et ses affaires. Elle ferme à clef derrière elle. Il fait nuit depuis longtemps. Les rues sont vides. Elle entend au loin les cris d’un ivrogne ou d’un fou ambulant. Elle a pris de gros risques en partant la nuit mais elle n’a pas peur…
(À suivre)
A. K.
adilakatia@yahoo.fr
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18 octobre 2010
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