La sagesse et la pédagogie des mots L’Émir Abdelkader Par : Slimane Aït Sidhoum

Edition du Mardi 09 Août 2005

Culture

L’Émir Abdelkader, héros de la résistance algérienne, a été libéré le 16 octobre 1852 par le prince président Louis Napoléon. Durant son incarcération en France, l’idée d’écrire un livre qui s’adresserait au peuple français germa dans sa tête.

Ainsi est née une œuvre majeure pour l’époque intitulée : Lettre aux Français. Puisant dans le fonds commun propre à tous les Algériens, il voulut, à travers cet écrit plein de sagesse, apporter un autre regard sur l’Algérie en porte-à-faux avec celui véhiculé par une certaine littérature exotique qui avait pignon sur rue. D’emblée, l’Émir veut cibler dans sa longue épître les problèmes inextricables nés des incompréhensions favorisés, par certaines interprétations fantaisistes qui ont nui aux relations entre les peuples algérien et français. L’un des points forts qui a guidé la réflexion de l’Émir dans sa Lettre aux Français est l’encouragement de l’Orient à sortir de sa léthargie légendaire et travailler dans le sens de se mettre au diapason de l’Occident qui connaissait une activité industrielle et culturelle très florissante.
Cette lettre qui a, par la même occasion, attiré l’attention de Napoléon qui rêvait d’un empire arabe mythique, se présente aux lecteurs sous forme de trois chapitres. Dans le premier, l’Émir parle de l’esprit pratique de l’Occident et de ses performances. Ensuite, il le décrit en l’analysant de façon pertinente avant d’arriver à la conclusion que les Occidentaux, malgré leur grand degré de développement, négligent le plus souvent le côté spirituel. Dans le deuxième chapitre, il aborde les problèmes relationnels entre les humains. Son credo dans ce domaine reste la tolérance et la recherche de la paix. N’a-t-il pas ouvert lui-même les portes de sa maison au Liban en 1860 pour accueillir les chrétiens en danger de mort suite aux guerres confessionnelles. Dans un langage expurgé de toutes les passions, il se dit confiant dans la possibilité qui existe pour que les peuples algérien et français vivent en bonne intelligence. Vers la fin, il revient sur les rythmes de développement propres à chaque civilisation. Pour lui, c’est dans l’évolution normale des sociétés et qu’il ne faut jamais forcer la main à tel groupe humain ou tel autre en s’érigeant le droit de lui imposer des normes ou des valeurs en contradiction avec sa culture ou sa manière d’être.
Dans le dernier chapitre, l’Émir fait l’éloge de l’écriture qu’il considère comme l’invention humaine la plus réussie, car elle permet de transmettre et de connaître toutes les idées produites par les hommes. Dans cette œuvre empreinte de grandes valeurs humaines, l’Émir a réussi à donner une autre image de la société algérienne, celle de la tolérance et des grandes valeurs humanistes. Sans oublier de souligner que les idées contenues dans Lettre aux Français sont novatrices pour l’époque.

Sources : Lettre aux Français par l’Émir Abdelkader. Aux éditions Phébus.