Edition du Lundi 22 Août 2005
La nouvelle de Adila Katia
Les retrouvailles
RÉSUMÉ : Leurs enfants se débrouillent comme ils peuvent. Tarek garde les moutons d’une veuve quand il n’a pas classe et durant les vacances. Un jour, il entend son père se quereller avec l’épicier à qui il doit une dette. Ammi Rabah dépasse les limites, en parlant de lui prendre sa femme. Rahim sort un couteau…
Tu n’aurais pas dû… Rahim est furieux.
- Et comment ? Je vais me gêner pour te prendre ta femme, insiste l’épicier en riant. Tu es incapable de t’occuper d’elle et de tes enfants.
- Non, a envie de crier Tarek qui voit déjà son père planter le couteau dans le cœur de l’épicier. Mais il en veut terriblement à ce dernier. Il a beau ouvrir la bouche, aucun son n’en sort.
Rahim s’élance vers l’épicier et lui donne deux coups de couteau en plein ventre. Il ne réalise la gravité de son acte que lorsqu’il entend des cris d’horreur et d’affolement.
Ammi Rabah, l’épicier grincheux, titube et fait deux pas en arrière avant de s’étaler de tout son long. Les villageois se précipitent vers lui et l’un d’eux se penche au-dessus de lui. Il approche son visage du sien. Il ne sent plus son souffle.
- Il est mort ! crie-t-il.
Tous se retournent et se regardent. Ils ont été témoins d’une scène de crime. Personne ne s’y attendait. Quand ils cherchent Rahim, il n’est plus là. Tarek l’a vu monter à l’arrière d’un camion. Il sait qu’il ne le reverra pas de sitôt.
La nouvelle de la mort de l’épicier fait le tour des maisons comme une traînée de poudre. Les gendarmes du village voisin se dépêchent sur le lieu du crime. Ils font leur rapport. Un avis de recherche est lancé par la police.
Tarek est heureux que son père ait pu s’échapper. S’il ne s’était pas enfui, il serait à l’heure actuelle en prison. Si seulement sa mère n’avait pas autant de peine. Du haut de ses dix ans, il lui dit ce qu’il pense de ce qui est arrivé.
- Il a eu ce qu’il méritait. Il avait touché à l’honneur de la famille.
- Personne ne mérite de mourir de la sorte, réplique Nadia.
- Lui si. Il voulait te prendre à nous, insiste l’enfant. Ce n’est pas la faute à papa s’il n’avait pas trouvé de travail.
-Il aurait pu partir en ville et faire la tournée des chantiers, dit sa mère. Mais il était dans un état second.
-Il ne pouvait pas nous laisser, le défend Tarek. S’il partait en ville, cela voulait dire que nous resteront seuls et il ne pouvait pas se séparer de nous. Il nous aime maman.
- Il a eu une drôle de façon de nous le prouver, en tuant cet homme, insiste la jeune femme, il devra soit se cacher toute sa vie soit se remettre entre les mains de la police. Dans les deux cas de figure, il nous abandonne. L’enfant se gonfle la poitrine et lui promet de prendre leur vie en mains. Quand il sera grand.
- Je deviendrai ingénieur. Je gagnerai beaucoup d’argent et il ne nous manquera rien.
- Mais d’ici là, on vivra de quoi ? l’interroge-t-elle.
- Tu vends tes poules.
- C’est sûr, soupire-t-elle.
Elle n’a pas le choix. Livrée à elle même, elle est forcée de vendre ses poules une à une, jusqu’à ce qu’il ne lui en reste plus. Le potager ne donne plus assez de légumes et elle n’a plus de blé à moudre. Hors de condition de s’adresser au fils de l’épicier qui a repris la boutique. Nabila comprendrait qu’il ne veuille plus faire de crédit aux clients. Ce qui est arrivé est regrettable.
Au bout de quelques semaines, il n’y a plus rien à la maison.
Pour rembourser le crédit de l’épicerie, elle a dû se séparer du téléviseur. Elle a débranché le frigo, par économie. Et il n’y a rien à mettre à l’intérieur. Nabila souffre en voyant ses enfants être privés de l’essentiel. Elle est contrainte à plier bagage et à se rendre chez son frère.
Tout comme ses enfants, elle pleure quand elle quitte sa maison. Ils savent qu’ils ne reviendront plus.
(À suivre)
A. K.
Adilakatia@yahoo.fr
17 octobre 2010
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