Edition du Mercredi 21 Septembre 2005
Contribution
“La réconciliation masque des buts non avoués”
Le frère de Smaïl Yefsah nous écrit
Par : ABDER YEFSAH
Faut-il rendre la pareille à un chien qui vous a mordu ? Que Dieu non ! Mais pour éviter qu’il récidive, il faut lui mettre une muselière, tout simplement !
Parce que sur la route de la douleur et de l’injustice nous continuons à ramasser des corps démembrés. Nous continuons à rencontrer de nouveaux orphelins, de nouvelles veuves et de nouveaux parents éplorés à qui aucune main secourable n’est tendue. Ils sont seuls et ils sont culpabilisés de ce qui leur arrive.
Un État fort est un État qui sait pardonner, disait un ex-ministre, nous récusons cette maxime ! Pour nous un État fort est un État qui fait respecter l’ordre et fait régner la loi.
Nous ne sommes aucunement animés par des sentiments de haine et de vengeance. C’est pour éviter que ce projet ne fasse naître en nous le sentiment de vendetta que nous disons “sans haine et souverainement”, oui à la justice.
On nous harcèle quotidiennement de concorde et de réconciliation, force est de constater qu’elle s’est exprimée et continue de le faire qu’en faveur des sanguinaires islamistes. Et ceci ne nous a pas ramené la paix pour autant. Et jusqu’à preuve du contraire nous n’avons jamais tiré sur aucune djelbab, ni kamis et encore moins sur une barbe ostentatoirement agressive. Dieu en est témoin que nous sommes pour la paix. Le 13 janvier 2000 devait être la date-butoir de réédition des “Guévaristes et autres bons patriotes” n’est-ce pas ? Qu’en est-il au juste ? Les assassins continuent à évoluer en toute impunité, on leur fait même des excuses ! Nous savons nous rappeler comme nous saurons pardonner un jour prochain si justice est rendue et si des regrets et excuses sincères nous ont été présentées.
M. Bouteflika nous demande de lui faire confiance, cela est-il possible quand nous avons l’impression d’avoir à faire à un ventriloque ? Ses premières pensées n’ont-elles pas été à l’endroit des terroristes assassins ? C’est la bêtise que nous ne ferons pas ! Un président sous un autre ciel a dit un jour qu’on ne pouvait pardonner les crimes de sang quel que soit l’endroit où le crime est commis.
A-t-on vu M. Bouteflika essuyer les larmes d’un orphelin, d’une veuve, d’un père ou d’une mère comme il le fait théâtralement avec des “repentis” ? Une autre raison de ne pas lui faire confiance. Ce n’est qu’une trahison de plus envers ce peuple dont on ne cesse de vanter les mérites pour mieux l’avilir.
Quel est ce repenti qui s’est exprimé publiquement ou en aparté par des regrets envers les familles des victimes et envers la nation algérienne qu’il semble chérir tant ? Tout au contraire, tous, autant qu’ils sont, regrettent de ne pas avoir éliminé plus de gens. Les terroristes non seulement ne regrettent pas d’avoir endeuillé l’Algérie dans son ensemble, mais ils sont fiers de ce qu’ils ont accompli et que si d’aventure une occasion similaire se présentait, ils n’hésiteraient pas à récidiver. D’où le chapeau bas de M. Bouteflika à leur endroit qui regretterait même de ne pouvoir les rejoindre à cause de son âge avancé. Loin d’être bêtes, les terroristes ont pris conscience de l’importance de leur chevauchée infernale. Sans elle, il est vrai que ceci n’est pas dû à un fait des démocrates, M. Bouteflika aurait continué sa traversée de la Suisse, où il serait resté dans les oubliettes de l’histoire et pour ça, ils espèrent des dividendes en plaçant la barre toujours très haut !
Cette campagne pour la réconciliation ne devrait faire couler que beaucoup d’encre et de salive et cela devrait en principe nous réjouir s’il n’y avait pas cette crainte que le sang finira, inévitablement, par tout laver.
Si les islamistes avaient fait usage uniquement de la plume à l’instar des démocrates, l’Algérie s’en serait sortie avec des œuvres littéraires majeures et des auteurs de résonances internationales. De notre côté, nous faisons justement usage de la plume non pour rédiger un talisman pour oublier ou supporter la douleur de la trahison mais pour que la justice s’exprime à notre place.
Et Monsieur Bouteflika aurait été mieux inspiré en ne jetant pas en prison M. Benchicou coupable seulement de “délit d’écriture”. Et si délit il y a, alors qu’il recevait en grande pompe Madani Mezrag chef incontesté des hordes des assassins lequel se permet un autre crime en insultant le mouvement citoyen, comme l’avait fait un certain Nahnah, en assimilant le MCB au GIA ! Nous disons et nous affirmons que nul, que nous autres, ne doit donner des leçons de moralité surtout quand ces leçons nous émanent de touristes politiques, des tapis dans l’ombre ou de ceux qui avaient de jeunes appelés pour assurer leur garde et sécurité. Non, aucun de ceux qui haranguent les foules aujourd’hui, n’a vécu ce que nous avons enduré ! Et ces zaouïas, qui, hier muettes comme des carpes, retrouvent comme par enchantement la verve.
Nous tenons donc à dénoncer les ténors du verbiage facile parce que quand les hordes sauvages sévissaient en toute impunité, bon nombre d’entre eux se terraient lamentablement quand ils n’apportaient pas soutiens politique et logistique et faisant dans l’apologie du terrorisme.
Les propos tenus par ces spécialistes du verbe facile attisent plus qu’ils ne calment nos blessures par “nous pardonnons, mais nous n’oublions pas !” Rien que ça !
La vérité est que ce scrutin, cette réconciliation nationale qui, en définitive, n’avait guère besoin de scrutin, masque des buts non avoués depuis que cette idée a germé dans la tête des décideurs réconciliateurs.
Les moyens utilisés pour la sortie de la “crise” sont en pleine contradiction avec le but recherché ! À quelle fin ? L’avenir finira par nous le révéler. Et la raison d’État ne saurait en aucun cas être évoqué. À cette politique, le mal finira par prendre définitivement le pas sur le bien. Alors, justice, justice, il n’y a que ça de vrai ! Hier, la dictature s’est installée au nom de la légitimité historique et révolutionnaire.
Au nom de la légitimité divine, l’islamisme a tué, a violenté et enfourné des bébés. Qu’en sera-t-il demain au nom de la traître réconciliation nationale ? N’est-ce pas la Boîte de Pandore qui nous attend ? Question légitime, vous ne croyez pas ? Pourquoi sont-ils exclus de l’amnistie les auteurs des crimes collectifs ? Les cibles individuelles ne seraient pas l’œuvre des islamistes ? L’assassinat de mon frère ne serait donc pas un geste islamiste ? Suis-je censé comprendre M. Bouteflika ? Dans ces conditions, il ne reste qu’une seule direction vers laquelle mon doigt accusateur se dirigera, n’est-pas ? Et vu aussi que “les assassins ne sont généralement pas ceux que l’on croit !”
Qui sommes-nous ? se pose-t-on la question, ne serait-il pas plus honnête de se poser la question : que sommes-nous devenus ? Eh, bien, nous sommes un peuple de béni oui-oui. Voilà ce que nous sommes devenus grâce à cette constante nationale qui est la fraude électorale dont M. Bouteflika fait usage à satiété, comme ses prédécesseurs, pour briser cet extraordinaire et légendaire sens de l’honneur et de la résistance. Et l’exemple nous est donné par ces chasseurs de dots de l’APN qui avaient voté la concorde civile et qui ont voté aussi — oh surprise ! — pour l’amazighité et qui, en d’autres circonstances, auraient accepté l’établissement de relations diplomatiques avec Israël qui, dit au passage, serait une bonne chose pour la paix dans la région, que d’officialiser la langue amazigh dans son propre pays si leurs intérêts n’étaient pas menacés. C’était peu flatteur ! Le peuple a perdu toute confiance en les institutions étatiques depuis leur naissance.
Dénués de toute identité et de tout repère, nous sommes à la périphérie de toutes les civilisations. Oui, à la périphérie de la civilisation occidentale — tant honnie (!?) — maître incontesté et incontestable de l’heure. Et que certains aventuriers politiques (arrivistes) nous empêchent de jouir pleinement de ses bienfaits au nom de quelque chose que nous n’arriverons point à saisir parce que farfelu. Et nous sommes à la périphérie de cette civilisation qui avait grandement rayonné sur une partie du monde grâce à l’apport d’un monde qui lui était étranger, le nôtre, et dont les vestiges font rêver les fous d’Allah et les nostalgiques des houris. Les nostalgiques n’en seront qu’à leurs frais et, malheureusement, aux frais des innocentes victimes décapitées, démembrées ou brûlées vives.
Après la grandeur, c’est la décadence qui épie tout peuple, ou civilisation, imbu, de sa suffisance. C’est élémentairement historique.
La réconciliation ne se commande pas, c’est un élan du cœur et elle ne peut venir que ceux qui sont touchés.
A. Y.
16 octobre 2010
Histoire