Edition du Jeudi 22 Décembre 2005
Culture
Mohamed Badawi vient de publier son premier recueil de nouvelles chez Chihab.
Les neuf textes traduisent le désarroi de personnages pris dans un univers où les valeurs semblent avoir été renversées. Il était donc logique, même si ce concept est un intrus dans le monde de l’auteur, que le rire côtoie en bonne intelligence la douleur.
De l’humour noir pris comme ultime moyen de s’immuniser contre le déraisonnable. La preuve par neuf.
Nul besoin de se faire cloner pour se démultiplier, pour être neuf au lieu d’un. Et peu importe les lois de la démographie. Il suffit à la fois de vivre dans ce pays, d’essayer de le quitter pour ensuite vouloir y retourner. Mais cette mixture ne saurait être complète sans ce qu’il faut d’humour décapant, de l’insensé qui permet de s’accommoder de l’absurde.
Dans ce recueil de nouvelles intitulé Neuf moi, paru aux éditions Chihab, Mohamed Badawi s’est refait neuf fois, tantôt mutant, tantôt péteur, des fois chasseur mais toujours sournois. Il est aussi le roi, le père, l’étranger pour finir intègre. Cette vertu passée de mode, comme l’instruction et la compétence.
La volonté de dire, à la lecture des neuf nouvelles de Mohamed Badawi “journaliste de métier et bourlingueur par vocation” est perceptible.
Comme se devine facilement le parcours personnel de celui qui a beaucoup voyagé. De l’autobiographie dans un pays pris dans la tourmente, l’auteur l’a fait neuf fois, comme cet animal doté, non pas de sept, mais de neuf âmes.
“La forme de la nouvelle s’est imposée à moi. Les personnages ont eu leur compte au bout de quelques pages”, a-t-il dit lors de la rencontre, animée par Yasmina Belkacem, à la librairie Chihab, ce mardi.
Mais s’il est neuf par le chiffre, Mohamed Badawi ne l’est pas par l’originalité de ses rapports avec ses homologues féminins.
Quand interrogé sur le peu de place accordé aux femmes dans ses textes, il rétorque sans détour : “Certainement que je suis un peu phallocrate comme mes compatriotes. Je suis incapable de parler des femmes à la place des femmes. Quoique j’essaye de rester sincère avec mes personnages.”
Cet ouvrage est pourtant dédié à Fatma-Zohra ! Une dédicace bien féminine et qui vient rappeler qu’il s’agit bien de l’absurde. Mohamed Badawi, chroniqueur, parlera également de ses influences littéraires allemandes et anglo-saxonnes.
Et cette façon d’écrire est plus proche, selon lui, de la réalité que “l’écriture trop précieuse. Dans ce recueil, j’ai voulu dire que l’on est sans cesse dans la gravité de la situation.
Cependant, grave ou pas grave, “Neuf moi” est d’une lecture agréable. Comme l’a été la lecture d’Ahmed Benaïssa, le comédien, lorsque il s’est fait félin en lisant “Le chasseur.”
SAMIR BENMALEK
Neuf moi, recueil de
nouvelles de Mohamed Badawi – éditions Chihab, 2005 – 149 pages – 350 DA
15 octobre 2010
LITTERATURE