Edition du Jeudi 14 Octobre 2010
L’Algérie profonde
Je ne regarderai plus désormais le monde rural avec la même tête paumée du citadin mal dans ses bottes incapable de faire la différence entre un crottin de cheval et une fiente de pigeon.
Mea-culpa, ce que j’ai vu cet été à la campagne m’a fait prendre conscience d’une réalité insoupçonnable largement répandue dans notre cambrousse :
l’ ingéniosité et le courage des fellahs qui ont relevé bien des défis et ont même innové. Je le dis comme je le pense, ce que j ai vu dans cette Algérie si mal aimée m’a non seulement “décillé” les yeux mais m’a surtout permis de me débarrasser du cliché peu flatteur et qui nous colle tous à la peau d’ailleurs du paysan misérable et inculte qui ne sait rien faire de sa tête, je m’étais lourdement gouré.
Et sur toute la ligne. J’ai vu par exemple dans un élevage privé entre Aïn Zahana et Sidi Bel-Abbès une immense propriété privée sans lumière, sans courant et sans branchement. Mais qu’à cela ne tienne. Les poussins sont quand même couvés à la chandelle grâce à un judicieux système de batterie de voitures et si les vaches ne sont pas traites de manière mécanique, leurs mamelles sont quand même vidées à la main une à une comme au temps des anciens. Cela fait terriblement mal, les dos sont fourbus, les cous à la limite du torticolis et en hivre, ai-je demandé, quand tout est noir ? Avant que le soleil ne décline, m’a-t-on répondu, et comme il n’y a pas de réseau, il n’y a donc pas de télé et donc pas d’enfants qui veillent jusqu’aux aurores. C’est tout bénéfice pour les parents qui ont toute la nuit pour récupérer et dormir. Et le jour ? Pour tuer le temps et éviter de mourir idiot, les deux quinquagénaires qui gèrent la hacienda lisent chaque matin douze quotidiens nationaux et régionaux pour être au courant, pour être au parfum leurs certificats d’études obtenus dans les années cinquante leur ouvrent apparemment tout l’univers.
M. M
15 octobre 2010
M. MOHAMMEDI