Edition du Jeudi 24 Novembre 2005
Culture
Quelques articles de presse nous ont aidé, ces derniers jours, à supporter notre douleur suite à la disparition prématurée de Amar Chetaïbi, responsable et animateur, depuis une trentaine d’années, de la salle de répertoire de la Cinémathèque de Annaba.
Aujourd’hui, nous voulons dire toute notre affection et notre amitié pour cet ami et ex-collaborateur. Également rappeler combien la qualité des relations humaines et la définition d’objectifs justes ont été déterminantes pour la consolidation et le développement d’une institution à laquelle nous étions, tous deux, si fortement attachés. Lorsque les responsables de la Cinémathèque algérienne ont décidé de renforcer et d’étoffer le réseau des salles de répertoire à travers le pays, ils ont tout d’abord pensé au recrutement de jeunes intellectuels cultivés qui avaient le cinéma dans la peau, le cinéma en partage. C’est ainsi que Amar a été “débauché” de l’enseignement pour rejoindre les équipes d’animateurs d’Alger, de Constantine et d’Oran. Il fallait, chez ceux qui étaient en place à l’époque, casser et effacer l’idée traditionnelle des fonctions du “chef de poste”, ce cerbère, qui n’avait de rapport avec une salle de cinéma que ceux liés à la billetterie (l’argent) et à l’ordre, ce qui signifiait, en fait, le mépris du spectateur. Par contre, les nouveaux venus, tous jeunes et amoureux du cinéma, avaient comme mission d’être des animateurs, chargés de faire aimer cet art au plus grand nombre. Amar a fait partie de cette première promotion dont le travail, l’engagement et l’abnégation ont permis aux responsables de la Cinémathèque de découvrir et d’attirer d’autres jeunes, d’autres animateurs, dans d’autres villes, pour développer le réseau des salles jusqu’à atteindre le nombre de 22 ! Ce n’est pas un hasard si la première réunion de tous ces pionniers de la profession s’était tenue à Annaba, à l’initiative de Amar. Par la suite, notre ami n’a pas cessé de développer contacts et arguments pour faire de sa ville un centre de rayonnement du cinéma. À force de travail et de courage, il a d’ailleurs atteint son but. En effet, lorsque certaines autorités de la ville, peu nombreuses malheureusement, l’eurent enfin écouté et entendu, il put créer les Jcma (Journées cinématographiques méditerranéennes de Annaba). Tous ceux qui participèrent aux deux éditions des JCMA (il n’y en a eu que deux) n’oublieront sans doute jamais ces évènements. Certains nous disent, encore aujourd’hui, combien les moments vécus à Annaba les ont marqués. Et ils se souviennent tous de cet homme au regard ténébreux, mais adouci par d’épais sourcils, à la voix légèrement cassée, qui les avait accueillis avec tant de chaleur et de générosité. Une autre tâche, moins grande en apparence mais aussi difficile à réaliser, à laquelle Amar s’était attelé et qu’il mena à bien, mérite aussi d’être signalée. Il s’agit de la transformation de sa salle et de son aménagement en un espace de culture, beau et accueillant. Le plus bel hommage qui pourrait être rendu à notre ami aujourd’hui serait que plus aucune salle de cinéma ne ferme et que celles qui existent renaissent et se transforment, à l’image de celle de Annaba, en des lieux de savoir et de convivialité.
15 octobre 2010
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