Edition du Jeudi 24 Novembre 2005
Culture
Si dans son premier roman “Les trois doigts de la main”, dont une large partie est autobiographique, Slimane Aït Sidhoum a comme toile de fond “une Algérie qui se débat dans le sang des massacres et le bourbier social” comme l’écrivit Rachid Mokhtari dans une critique de ce roman, qui est celui également de la déconstruction de l’horreur terroriste, le second roman
“La faille” à également cette même toile de fond, d’un pays, certes, toujours en décomposition.
Mais, un pays confronté cette fois-ci à une catastrophe naturelle, ce séisme ou plus juste, cette faille de Zemmouri qui a englouti avec elle les repères d’une société qui n’arrive plus à s’en sortir, anéantie par des évènements douloureux qui s’enchaînent. Slimane Aït Sidhoum a les idées bien en place, l’inspiration et la narration suivent une logique créatrice qui lui est propre, dire les vicissitudes de la vie avec des mots justes empreints toutefois d’un humeur ni trop exacerbant ni trop loufoque, un juste équilibre, pour atténuer le tragique sans pour autant l’altérer. Cette fois-ci Slimane nous raconte l’histoire d’un amour… interdit, impossible, malhonnête ou improbable, difficile de dire car tout s’engloutit dans cette faille de Zemouri qui va déchaîner jusqu’aux passions… pas toujours amoureuses, sauf peut-être pour celui qui se définit comme le journaliste sans bac. L’amour pour lui a deux visages, celui de la douceur et de l’acquis, celui de la fascination et de l’interdit ; le premier visage est celui de Mina, sa femme et l’autre de Rania, “la femme qui l’avait fait fantasmer tant d’années” ; “Rania, le rêve le plus fou, le rêve le plus beau, valait toutes les abjurations” et c’est lors d’une rencontre fortuite des années plus tard de celle qui était devenue l’épouse d’un colonel, Kamel Chouka, dont l’auteur nous gratifie d’un portrait peu flatteur et qui a lui seul semble compiler toutes les “disgrâces” et les “tares” de ceux qui “commandent” avec des appétit sexuels et matériels toujours voraces. “Il ne pouvait s’imaginer réintégrer la vie normale et vivre la galère désastreuse des petits retraités” et c’est pour échapper à sa retraite qu’il a accepté un poste coupe-gorge. Il va se retrouver au cœur même de la tourmente non pas terroriste mais catastrophique, la faille de Boumerdès, un séisme qui va tout détruire, quelques mois seulement après les inondations de Bab-El-Oued. Cet univers de détresse, de désolation, de mort, est une forte aubaine pour les trafiquants, les fonctionnaires qui se remplissent les poches… au fait, une Algérie qui ne cesse de surprendre tentant de se relever entre les coups de grâce du destin et les appétits toujours inassouvis. Il y a des personnages qui vont défiler, raconter, le Dr Martin, ami du journaliste, venu en Algérie porter son secours aux sinistrés ne s’en sort pas tout à fait indemne lui aussi. Il y aussi l’amant de Rania, cet Albert qui lui offre plus que son mari, que le narrateur. “Il était la passerelle sur laquelle je piétinerais les convenances sociales pour retrouver sur l’autre rive les bras d’Albert.” Le livre se décline en plusieurs tons, le je du narrateur, celui de Rania et le il de la troisième personne. Il est difficile de suivre le fil de l’histoire, à cause du passage d’un personnage à un autre. Toutefois, d’Alger à Paris en passant par Sidi Mlih, et Boumerdès, c’est à un pays exsangue éprouvé par toutes sortes de catastrophes aussi bien naturelles que humaines que Slimane Aït Sidhoum a prêté sa plume
Nassira Belloula
15 octobre 2010 à 14 02 51 105110
j’adore votre blog et votre façon de raconter tout ça. Bravo bonne continuation.
Tester son amour