Edition du Samedi 24 Décembre 2005
C’est un bien triste jour anniversaire que celui de la disparition le 25 décembre 2002, de Pierre Rossi, ce grand penseur français, agrégé de grammaire, philosophe érudit et professeur
éminent de lettres classiques dans la tradition des grands universitaires originaires de la Corse. Une patrie corse pour la cause de laquelle il n’a d’ailleurs jamais marchandé son dévouement. Ami affiché des Arabes et de l’Islam, et en particulier de l’Algérie et de la Palestine, Pierre Rossi a consacré sa longue vie, autant à la recherche et à la connaissance qu’à l’action militante pour les causes justes de par le monde.
Une longue vie qui fut constamment ponctuée d’ouvrages passionnants, traitant pour la plupart d’entre-eux, des grands problèmes géostratégiques et socioculturels du Proche et Moyen-orient et du nécessaire dialogue entre les civilisations, bien avant que certains charlatans ne se saisissent aujourd’hui de ce thème.
Comme tous les intellectuels authentiques de sa classe, Pierre Rossi a su résister à la tentation du “politiquement correct”, en condamnant à maintes reprises et sans équivoque, l’occupation des territoires palestiniens par l’armée israélienne, tout autant que la politique anti-arabe des États-Unis, du haut de sa chaire de secrétaire général de l’organisation européenne pour les droits de l’Homme et pour les libertés fondamentales. Dernier parmi les derniers des justes, — c’est à dire des “Clercs”, au sens où l’entendait Julien Benda — Pierre Rossi restera l’un des témoins les plus autorisés et les plus crédibles de l’histoire des civilisations de l’Orient. En tant que tel, il était tout naturel qu’il fut l’ennemi déclaré et averti des falsifications, patiemment inoculées tel un poison, par les dogmes d’un orientalisme inculte, caricatural et asservi au politique. N’est-ce pas lui qui eut un jour cette réflexion à faire pâlir de honte, plus d’un homme politique de ce côté-ci comme de l’autre des deux rives de la Méditerranée ? “La morale est en fin de compte plus politique qu’une politique sans morale.”
Dans l‘introduction à son œuvre maîtresse, La Cité d’Isis (*) il a d’entrée de jeu dénoncé l’idéologie orientaliste en avertissant : “Une vision bornée de l’histoire nous a imposé d’en localiser les sources non loin de chez nous, dans l’aride péninsule hellénique et sur les misérables rives du Tibre. Les Européens réduisent volontiers les origines de leur culture aux cantons athénien et romain. C’est là une appréciation erronée : elle nous a été inspirée de partis pris confessionnels et politiques”.
A. D.
Ed. : Nouvelles Éditions Latines (1976) puis l’E.N.A.G (1991)
15 octobre 2010
Non classé