Edition du Samedi 12 Novembre 2005
La nouvelle de Adila Katia
L’autre
RÉSUMÉ : Mouna est revenue à elle quand Samir retourne à l’hôpital. Elle se doute de quelque chose et veut voir les médecins. Il finit par lui apprendre la mauvaise nouvelle. Elle ne se croit pas gravement malade. Elle est furieuse après son mari et elle prie pour que ce soit un cauchemar…
Comme à chaque fois qu’elle éprouve une forte émotion, Mouna perd connaissance. Cette fois, le professeur lui administre un traitement et un régime à suivre à la lettre. Mouna est revenue à elle depuis un moment et elle a toujours cette sensation d’étouffer. Quand elle voit Samir, elle ne peut retenir ses larmes.
- Comment as-tu pu les laisser faire ? lui reproche-t-elle. Tu sais que ce bébé était tout pour moi.
- Et toi, tu es tout pour moi, réplique-t-il en la regardant dans les yeux. S’il t’était arrivé malheur, je ne me le serais jamais pardonné. Que tu sois furieuse, je peux le comprendre. Mais que tu m’en veuilles de t’avoir évité de mourir maintenant, non ! Il s’agissait de prendre une sale décision. Si je t’avais laissé le choix, je sais que tu aurais mis ta vie en danger. C’est peut-être égoïste mais je ne voulais pas finir ma vie sans toi.
Samir se tait quand le professeur revient discuter avec eux.
- Essuyez-vos larmes. Vous avez de la chance d’être encore en vie. Vous n’auriez pas dû négliger votre maladie, lui reproche-t-elle. C’est votre taux de cholestérolémie et votre hypertension qui ne nous ont pas laissé le choix. Pour pouvoir soigner votre angine de poitrine, il a fallu interrompre votre grossesse.
- C’est mon unique grossesse. Je ne pourrai plus jamais en refaire. Je ne suis pas jeune.
- Votre santé est très fragile. Vous devez en prendre soin, lui dit le professeur. Plus que jamais.
- Ne pas avoir d’enfant, à nous, est pareil à une mort douce, murmure Mouna. Je l’ai attendue toute ma vie. Mon mari le savait.
- Il ne faut pas lui en vouloir. Il n’avait pas le choix. C’était à nous, l’équipe médicale de décider et je peux vous jurer que je me serais passée de son consentement pour interrompre votre grossesse. Il s’agissait de vous sauver vous ou de vous perdre tous les deux ? Comprenez notre choix.
Une infirmière vient demander le professeur pour une urgence.
- Je repasserai vous voir, lui dit-elle avant de suivre l’infirmière.
Mouna pleure toujours. Elle se tourne pour ne pas voir son mari. Elle souffre comme jamais. Il aurait pu demander un peu plus de temps pour lui en parler. On lui avait pris ce qu’elle avait de plus cher. Comment le lui pardonner ?
Après toutes ces années d’attente, il aurait pu la laisser réaliser son rêve. Tous deux savaient qu’elle n’en aurait plus l’occasion. Dans quelques semaines, elle aura quarante ans et avec cette maladie qu’elle n’avait pas soignée à temps, elle n’a plus aucun espoir.
Son mari va s’asseoir sur le bord du lit. Il ne veut pas de ce silence entre eux. Il accepte qu’elle soit fâchée et qu’elle lui reproche tout mais qu’elle le fasse à coups de cris. Elle peut même le frapper. Il le supportera sans broncher. Car il sait que cela lui passera. Combien de temps il lui faudra pour que la colère s’atténue ? Pour qu’elle comprenne ?
- Pars ! lui dit-elle. Je ne veux plus te voir.
- Chérie, je te jure que je ne voulais pas te perdre.
- Et moi, j’aurais tout fait pour ne pas perdre mon bébé, répond-elle. Pars, je ne veux plus de toi ici.
(À suivre)
A. K.
15 octobre 2010
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