Edition du Dimanche 11 Décembre 2005
La nouvelle de Adila Katia
“Le poison en héritage”
RÉSUMÉ : Pendant cinq ans, Rabiha est tranquille. Mahmoud a changé et en bien. Seulement, après la mort de son oncle et de sa tante, c’est la vieille guérisseuse qui décède. Rabiha n’a plus personne pour l’aider et elle n’a plus de potion. A part celle d’urgence mais elle hésite à s’en servir…
Rabiha se décide le jour où Mahmoud lève la main sur Mayssa. L’enfant n’était pas rentrée directement à la maison après l’école. Rabiha n’a pas pu l’en empêcher. Elle était dans la cuisine et c’est son mari qui avait ouvert à Mayssa. Sans ses pleurs, elle aurait continué à cuire des beignets pour le goûter. Quand elle a accouru, sa fille avait déjà reçu une fessée.
- Pourquoi ? Qu’a-t-elle fait pour mériter que tu l’accueilles avec des coups ? Elle est en retard d’un quart d’heure, la défend Rabiha après avoir jeté un coup d’œil à la pendule. Elle devait jouer ou discuter avec la fille de la voisine. Ce retard n’est pas une raison pour la frapper. Elle n’a que onze ans.
- Si tu ajoutes un mot, tu seras la prochaine à recevoir des coups, l’avertit Mahmoud. Retourne à la cuisine.
Elle est si furieuse qu’elle ne pense plus qu’à lui donner la potion qui attend depuis des mois. Elle ignore de quoi elle est composée mais elle se rappelle que la vieille Lalla Chérifa lui avait recommandé de lui en donner qu’une pincée et d’en rajouter le lendemain s’il ne s’est pas affaibli entre-temps.
Elle prépare du thé pour accompagner les beignets et elle prend le soin d’y ajouter une pincée de la fameuse potion. Elle le sert comme d’habitude et se retire. Elle est encore fâchée après lui. Elle va à la chambre où Mayssa pleurait toujours. Elle tente de la réconforter.
- Il ne faut pas lui en vouloir. Il ne voulait pas te faire mal, lui dit-elle. La prochaine fois, rentre directement à la maison. Ne joue pas dehors.
- Je ne savais pas qu’il se mettrait en colère, sanglote Mayssa. Je ne voulais pas.
- Ne recommence plus. Comme ça, tu ne recevras plus de fessée, insiste sa mère. Et puis, dorénavant, ce sera moi qui t’ouvrirai.
Elle sait que Mahmoud sera mal en point dès ce soir. Si la potion donne ses effets rapidement, il ne devrait plus lui poser de problèmes. Il sera affaibli. Elle aurait de nouveau le contrôle de leur vie. Jamais plus il ne lèvera la main sur leur fille. Jamais plus il ne la menacera.
- Rabiha ! Rabiha !
- J’arrive !
Quand elle retourne au salon, Mahmoud est tout rouge. Il tousse comme s’il avait avalé de travers.
- De l’eau, apporte-moi de l’eau, lui dit- il entre deux toux. Je ne sais pas ce que j’ai.
Rabiha court lui apporter un verre d’eau qu’il boit lentement. La toux finit par se calmer. Elle espère que la nuit, il souffrira. Elle prendra plaisir à le voir souffrir. Elle attend cet instant avec impatience.
Pour le dîner, elle chauffe les restes du déjeuner. Mayssa est la seule à manger. Mahmoud s’est plaint de douleurs à la poitrine.
Sa femme ne se fait aucun doute sur l’origine de ces douleurs.
- Tu veux une tisane ? lui propose-t-elle.
- Non. Je vais me coucher.
- Il y a une comédie à la radio. Tu voudrais écouter ?
Mais son mari refuse. Il se couche le premier. Rabiha est attentive au moindre bruit venant de la chambre de son mari. Elle a laissé la porte ouverte et le moindre soupir ou gémissement met du baume à son cœur. L’effet de la potion a commencé.
A l’aube quand elle se lève pour s’en assurer, elle le découvre fiévreux.
Elle a un soupir de soulagement. Tout allait redevenir comme avant.
(À suivre)
A. K.
15 octobre 2010
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