Le Sommet arabe
extraordinaire s’est tenu à la ville libyenne de Syrte en Libye du 9 au 10
octobre. Mis à part la fanfaronnade du faste des lieux et des festivités, rien
de plus sérieux n’est à retenir. Ils se sont vus, embrassés et posés mains dans
les mains et c’est tout.
Les dirigeants
arabes se sont penchés sur des points particuliers inscrits à l’ordre du jour
de cette session. Il s’agit entre autres de l’évaluation de l’action arabe
commune et la réforme du système de la Ligue arabe, ainsi que la politique de
voisinage avec les régions limitrophes. Toutes les têtes à vrai dire se
trouvaient ailleurs que dans la profondeur de l’ordre du jour. L’idéal n’est
plus donc dans le regroupement conjoncturel que ne l’est l’accord pour la
nouvelle vision de cogérer la chose arabe. Néanmoins il etait attendu de ce
sommet un moindre effort pour une refondation de ce qui devra dorénavant lier
les membres de la ligue. Le sommet des chefs d’Etat arabes s’annonçait dans
l’actualité nationale arabe comme étant un menu vitaminé pour la sortie du long
coma que vivent les arabes.
Pour ce monde
arabe, il semble ne revêtir qu’un autre aspect d’un quelconque et énième
regroupement de dirigeants. Mais en réalité il en est autrement.
La conjoncture
internationale démontre bien l’utilité d’un sérieux et d’une profonde
conviction en l’unité inter-arabe. L’hégémonie anglo-saxonne, l’Europe et son
rapprochement avec l’oncle Sam, exigent des entités arabes nonobstant la
zizanie qui mine leurs liens du fait d’un alignement donné, apprécié
différemment ; à plus d’écoute et d’attention de l’un vers l’autre.
Au plan interne
notre politique générale reste suspendue jusqu’après le succès potentiel de
l’effort présidentiel d’avoir fait réunir les divergences et les convergences
inter-arabes forts contraignantes en un monde où rien ne semble apte à les
réunir. Trop de non-dits. Trop de haine silencieuse accumulée. Trop de
sentiments d’abandon, les pays arabes souffrent de leurs liens qualifiés de
fraternels. Il y aura là un autre défi. Cependant le charisme de Bouteflika
peine déjà à agir, non sans se faire atteindre par des pics de jalousie. Le
brio de l’homme, son expérience des forums et sa hardiesse de l’inextricable
feront certainement de l’Algérie et de son sommet une date dans un pays à
retenir. Loin de vouloir fédérer définitivement les arabes, le sommet d’Alger
avait pu au moins les réunir, ensuite les faire sentir la lourdeur de la
géopolitique qui se pend au-dessus de chaque tête. Du terrorisme au droits de
l’homme à la démocratie jusqu’au statut de la femme, la menace d’un revirement
populaire demeure dans son entièreté face à tous les systèmes actuels de
gestions des affaires publique dans ces pays.
Les régimes
politiques des provinces arabes, tellement distincts dans leur anatomie
constitutionnelle, ne surviennent plus à tracer une distance commune, ne serait
ce qu’en vertu d’une défense collective de la question palestinienne. Les
royaumes considèrent avec acuité, l’intérêt de survie du trône, les républiques
le font d’une manière à garder une telle apparence, les autres s’essayent à la
continuité d’une vie tranquille et paisible.
L’histoire des arabes est assez riche en
événements douloureux. Elle ne fut en réalité qu’une kyrielle de guerres, de
combats et d’éloges post mortem à l’honneur des grandes victoires d’une ère
enterrée. Celui qui a dit « dans le corps de chaque arabe repose l’âme d’un
prince » voulait en fait suggérer qu’il fallait comprendre par « prince » le
sens réel de « pouvoir » « force » et « puissance ». Ainsi les présidents, les
chefs, les guides, les combattants suprêmes, les moulouk, les émirs, les
mawlay, les ouali el ahd, ne font plus la différence avec les mollahs, les
ayat, et les shahs. La commune mesure est une convergence, pour eux, dans l’otique
de la destinée de leur peuple. Ils se croient tous investis de l’oracle divin.
Déjà qu’au plan
de la communication collective, l’incohérence fait office de maître. Le manque
justement de cette cohésion dans la stratégie médiatique que tente d’entreprendre
la ligue arabe n’est pas de nature à faire avancer les choses dans le sens où
l’autorité palestinienne le voudrait. Les potentiels ennemis l’auraient bien
compris. Dire avec toute l’aisance de ne point se tromper, que le seul ennemi
de l’arabe reste son comparse. Le heurt qui se dresse avant la tenue de ce
sommet, un peu différent des précédents ; semble se situer au sein même de
certaines tendances dures tant à la négociation qu’au souci de sauvegarde, soit
disant, de la ligne de conduite intérieure de leur politique à l’égard du
dossier proche orient. La Syrie ne ménage nul effort pour clamer d’une façon ou
d’une autre, son équivoque en face d’une éventuelle reconnaissance globale de
l’état d’Israël. Déjà que le dossier libanais, la résolution 1559 du Conseil de
sécurité le tout couronné par « le meurtre » de Rafik Hariri, venaient greffer
davantage la suspicion moribonde nourrie par les uns et savamment entretenue
par les Etats Unis. Le soudan et son Darfour, avait pu par faveur du guide
libyen, président des deux sommets, décrocher le lot mensuel d’une paye ç payer
rubis sur ongle. Comme bien d’autres membres laissent penser de la manière la
plus diplomatique possible, qu’une normalisation hypothétique les liant à
l’entité hébraïque ; ne pouvait s’effectuer que dans un cadre individuel,
d’ailleurs ce que préconisent les traditions protocolaires en la matière.
L’action dans la relation diplomatique tendant à la reconnaissance d’Israël,
est une adhésion qui ne peut émaner que de l’expression de la pleine
souveraineté nationale. L’influence de la corporation arabe ne pourrait être le
cas échéant, qu’un facteur dynamique d’entraînement, voire d’influence et
d’encouragement.
A la limite, les
Etats y trouveront une source de justification et un motif assez valable à
l’acte d’approbation. L’on ne peut concevoir et encore moins d’accepter que
l’ami de mon ami reste toujours mon ennemi. La construction progressive de la
paix entre palestiniens et israéliens n’est plus en bonne voie depuis
l’intronisation de Mahmoud Abbas. Même Obama a failli à tous ses engagements.
Mais l’entêtement « arabe » chez certains à ne vouloir point aller vers la
reconnaissance en droit de l’entité israélienne tout en persévérant dans la
condamnation du sionisme, ne travaille apparemment nulle cause. Ni la leur, ni
celle d’autrui ; palestinien en premier. Le dégel ne proviendra qu’avec un
léger réchauffement de combustible. La diplomatie noire étant l’unique
combustible dans le dégel des blocs. Ce fut le cas pour la fin de la guerre
froide. L’adage (la neige se fond et voilà qu’apparaît…) se veut très
significatif à l’égard des politiques de façades que l’on s’évertue contre
vents et marées à vouloir rendre réelles et plus touchables que les
faux-fuyants qui les meuvent.
Le verglas encollé aux grandes artères de la
nation arabe n’est en aucun cas apte à être confronté ou comparé aux pistes des
slaloms ou aux espaces gelés des danses artistiques. Dans le monde du réel et
en dehors de tout acte eurythmique et mélodieux, la chute est dramatique et
périlleuse. Quant l’art n’est pas une politique de nuances, la politique
devient hélas un art rapiécé, vicieux et tonitruant. La religion peut faire
office d’un baume chauffant les cœurs et reliant les adeptes de tous les
prophètes. Le cri des cors aux réformes sempiternelles, les clairons des
programmes de relance économique, l’incohérence gouvernementale et autres
carillons finiront tous par avoir une voix inaudible, rauque et aphone. Les
femmes devront un jour se faire candidates et pouvoir voter en Arabie saoudite.
L’héritage du trône ou de la présidence des républiques deviendra tout aussi
une affaire de suffrage universel secret et direct. Trop de discours redondant
engendrera l’excitation sonore qui va s’estomper finalement au bout de l’effort
du cornemuseur, les enfants en Palestine, comme en Irak. , en Afghanistan et un
peu arabiquement ailleurs, continuent de mourir, par balles, déni de justice ou
négation de droits. .Le souffle que poussent les poumons altérées du système
local de tout régime arabe, à son tour s’atténuera et s’amenuisera au fur et à
mesure des revendications persistantes telle une toux craquante et crachante.
L’octroi de droits à ses citoyens n’est plus une atteinte à l’ordre public, ni
a la sûreté de l’Etat. L’Algérie en ce registre est quelque part un peu à
envier. Tout de même.
Moins le
blanc-seing auto-octroyé produit l’éclair et abasourdit les rétines, c’est à
dire l’aveuglement superficiel, et plus le travail de sape, de compromission et
de fausses amours populaires est supplanté par celui, si ce n’est des
catastrophes humaines, de ceux qui sourient sous cape, font le clin d’œil ou
froncent les sourcils. En l’état ; la nature des régimes arabes malgré les
promotions technologiques, le développement rapide des droits de l’homme et le
recouvrement de l’indépendance « philosophique » ou les scanners religieux ;
restera toujours ; indomptable et capricieuse. Car la vie n’est qu’un
tourbillon et un simple bulletin de climat le plus souvent versatile et
paradoxal. Une politique, pas plus qu’un discours ne se relie aux vérités
sociales par un ordinaire affichage de bonnes intentions.
L’affaire palestinienne ou la guerre contre
l’Irak ont bien démontré le fossé qui sépare la rue et le peuple des palais
royaux ou des cabinets présidentiels. Les uns s’essayent à manœuvrer de la
manière la plus mesquine tentant de ne pas lorgner sur le mal que font les
nouveaux libérateurs des peuples, les autres s’échinent à la démonstration du
contraire par l’indéfectible soutien nonobstant la matraque ou l’interdiction
de marcher. L’intention étant par essence d’ordre religieux, n’est pas un acte
de gestion ou de gouvernement. Il n’y aurait pas de mensonge si le discours
n’était pas, en quelque manière empreint de brouille et de vaines promesses.
Tous les jours, la réalité et la quotidienneté battent une à une les cartes du
jeu, biaisé à la mise. Ce ne sera pas, la pratique le prouve, l’énième pinacle
des chefs d’Etat arabes, qui osera rompre les diversités originelles plantées
dans le parcours ardu qui de différentes voies tend à mener l’unité arabe vers
le sommet de la gloire et de la communauté idéale. L’idéal n’est plus donc dans
le regroupement conjoncturel que n’est l’accord pour la nouvelle vision de
cogérer la chose arabe. Ce sommet auquel se joint les dirigeants africains, est
de la seule nature à fortifier encore la position du guide de la révolution à
se maintenir dans une position au service de l’on ne sait de quelle entité. La
réunion de syrte n’a rien apporté de concret. Le monde arabe restera tel qu’il
est, au moment où l’autre monde s’articule et bouge à grands pas.
14 octobre 2010
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