Le début ou plutôt la tension sociale que provoque le problème des retraités en France, mérite une information détaillée.
En effet, le sujet a été initié par le gouvernement de telle manière qu’il s’agit maintenant d’une opération de communication vers le grand public, sans que les vérités incontournables aient fait l’objet d’un véritable débat entre les intéressés, en l’occurrence le gouvernement pour une partie, le patronat pour une autre et les organisations syndicales. Le dossier, présenté comme une réforme nécessaire tient compte de facteurs étrangers à sa réalité et ceci pour essayer de régler des problèmes économiques s’appuyant sur deux préoccupations: – l’une le déficit budgétaire, l’autre la tendance confirmée de faire glisser la protection sociale en général vers le système capitaliste.
Je m’explique:
Les fonctionnaires de l’Etat français ne bénéficient pas d’une retraite mais d’une pension, pension qui les soumet à l’autorité de l’Etat même et y compris lorsqu’ils sont rayés des cadres. En principe, ils sont corvéables (donc réquisitionnables) jusqu’à la fin de vie.
Le financement de ces pensions est assuré par le grand livre de la Dette publique, c’est-à-dire qu’il doit figurer dans le budget de l’Etat et être voté par le Parlement. Il ne s’agit donc pas de cotisations, les rapports entre actifs et inactifs est sans effet.
Le vrai problème et vraisemblablement celui qui a justifié cette réforme, est le déficit budgétaire. Les agents des collectivités locales et les personnels des hôpitaux publics, cotisent à la CNRACL. Or, compte tenu du recrutement actuel -l’Etat pour la raison invoquée précédemment se déchargeant de certaines de ses fonctions, le rapport actifs inactifs est favorable, car il y a eu de nombreuses embauches, ces dernières années.
La caisse est régulièrement excédentaire et mieux, elle sert de financement par transferts d’autres catégories de travailleurs, notamment des non salariés (exploitants agricoles, cultes )
Reste ensuite les salariés, les plus nombreux, ceux du privé, ils bénéficient de deux interventions, l’une délivrée par la sécurité sociale, la retraite vieillesse, ce sont les cotisations sociales payées par les salariés par prélèvements sur salaire et par les employeurs, ce qu’on appelle le salaire différé.
Le problème c’est que, sous prétexte de faciliter l’emploi, le gouvernement a décidé de nombreuses exonérations, en principe compensées par son budget, mais nous retrouvons là le problème budgétaire
La sécurité sociale est censée être gérée par les organisations syndicales et les employeurs, sous un contrôle permanent de la tutelle de l’Etat qui doit avaliser toutes décisions.
Enfin, une des caractéristiques de la France est la retraite complémentaire, sous la force de caisses paritaires (gestions patrons et syndicats) et techniquement par la répartition, c’est-à-dire que l’on redistribue les cotisations (prélèvements sur les salaires et partie patronale) en fonction des négociations collectives, principalement au niveau des branches professionnelles). Même si les organismes de gestion sont confédérés, la négociation est censée être libre entre les parties.
Il est évident que le rapport entre actifs et retraités (c’est-à-dire cotisants et bénéficiaires) est un élément déterminant. A noter, et c’est l’originalité du système par répartition, celui-ci est un élément de solidarité entre génération particulièrement efficace, les jeunes cotisent pour les anciens, qui eux-mêmes ont cotisés pour leurs vieux;
L’originalité de la réforme gouvernementale c’est qu’elle fait fi de ces situations foncièrement différentes. Cela découle de l’intégration de la protection sociale (de toutes natures) dans le budget de l’Etat, recommandation de l’Union européenne et utilisation impropre de la notion de «l’Etat providence).
L’affectation comptable n’est pas neutre en la matière, surtout que maintenant les budgets nationaux sont soumis à la Commission européenne qui entend faire respecter un déficit inférieur à 3%. Au-delà des données chiffrées sur la durée des cotisations, l’âge de la retraite, on peut s’étonner que le gouvernement ait initié seul le dossier, dégageant ainsi publiquement, notamment pour le privé, le patronat dans son ensemble. Simultanément, l’Union européenne publie un livre vert sur les retraités qui recommandent le développement des régimes d’épargne individuelle et par capitalisation. D’ailleurs, il suffit de constater l’intérêt publicitaire et télévisé des compagnies d’assurance pour proposer leur couverture, pour comprendre l’évolution souhaitée.
Ainsi, pour sortir du problème du financement des retraites, on fait appel au système capitaliste qui est lui-même en état de crise systématique, comme disent les économistes. Et, le moteur de cette évolution est le gouvernement qui défend ainsi les intérêts du patronat et des capitalistes. Si la réaction est aussi importante de la part des syndicats et de l’ensemble des travailleurs (plus de 70% des citoyens sont contre la réforme), c’est qu’ils sentent, qu’après les retraités, ce sera la sécurité sociale qui sera dans sa forme actuelle réduite à minima, déjà les déremboursements se multiplient. Le système de protection sociale français faisant école, il est évident que ce qui constituait la plus grande conquête des travailleurs est en train d’éclater.
* Ex Secrétaire général de la CGT-FO Ex membre du CA du BIT au titre des Travailleurs
14 octobre 2010
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