Edition du Mercredi 19 Octobre 2005
Culture
Skandrani, la dernière note
Décès du virtuose du piano
Par : Wahiba. Lebréche./APS
Le grand maître de la musique algéroise, le virtuose du piano, Mustapha Skandrani, est décédé mardi matin à son domicile à Alger, à l’âge de 85 ans, des suites d’une longue maladie. Mustapha Skandrani est parti dans la discrétion qui lui a toujours été coutumière, laissant derrière lui un riche répertoire musical de plus de trois cent morceaux, et un piano orphelin.
Né à Alger le 17 novembre 1920, à la basse Casbah, d’une famille chercheloise, Mustapha Skandrani, s’intéressa très jeune à la musique et passait son temps à manipuler les touches du piano à Nadi Et-Taraqi à Alger, où il avait eu comme professeurs des ténors de la musique andalouse, tels que Mohamed Benteffahi et les frères Mohamed et Abderrezak Fakhardji.
Initié aux instruments de musique traditionnels du chaâbi, mandoline et kouitra, par son oncle Habib Skandrani, le jeune Mustapha est particulièrement capté par le piano, très peu utilisé alors par les orchestres andalous ou chaâbi. À l’âge de 13 ans, Mustapha Skandrani commence à fréquenter de manière assidue le cercle El-Mossilia. C’est là qu’il fait la connaissance d’autres élèves, devenus plus tard des maîtres, comme Mustapha Kechkoul et Omar et Sadek Béjaoui. Ce passage à la mythique troupe lui avait permis d’apprendre à jouer de plusieurs instruments, en particulier le violon, la kouitra, la mandoline et le piano. Ce dernier instrument l’accompagnera toute sa vie, après avoir réussi à l’introduire comme élément de base dans l’orchestre chaâbi et andalou.
En 1937, il fait la connaissance du grand comédien Djeloul Bachdjarrah qui le chargea de constituer un orchestre relevant de la troupe que ce dernier venait de créer. Mustapha Skandarani donna son premier concert cette même année. Une année plus tard, il joue avec Rachid Ksentini à la radio, tout en accompagnant les deux maîtres incontestés du chaâbi, Hadjs M’rizek et El Anka.
Avec les soirées qui allaient se succéder à la Radio d’Alger, la notoriété du jeune musicien est faite, alors qu’il n’avait pas encore atteint ses vingt ans. Skandrani, qui était jusqu’ici un virtuose instrumentaliste, commence à composer des musiques de chansonnettes pour Hadj M’rizek et, par la suite, pour El Hachemi Guerouabi. À partir de 1946, Skandrani devient directeur de l’orchestre de l’Opéra d’Alger, tâche qui lui permettra de parfaire son talent. Il enregistre, à Alger et à Paris, quelque 325 compositions entre populaire et moderne avant de se consacrer entièrement à la musique classique avec ses deux variantes, l’andalou et le chaâbi.
En 1964, Skandrani remplace El Anka comme chef d’orchestre du chaâbi. En même temps, il se consacrera à l’enseignement de son art auprès du Conservatoire d’Alger. Deux tâches qu’il assumera jusqu’au bout.
En 1972, il accompagne les monuments de la scène à la tête de cinquante musiciens dans la première semaine culturelle de l’Algérie au théâtre des Champs-Elysées, à Paris.
Il dirige les orchestres andalou et chaâbi du conservatoire jusqu’à 1982. Chercheur et rénovateur infatigable, il composa plus de 300 morceaux dans les genres chaâbi et la chansonnette moderne : Ya ochak ezzine, Mir Elghram, Elherraz, Ya layem fi liâti, Ana Elouerqa, Amersouli… Mustapha Skandrani était le premier pianiste musulman du XXe siècle. En effet, il a su imposer une technique de jeu propre à lui et spécifiquement adaptée à l’école d’Alger. Une technique subtile, mais qui est aussi dotée d’une complexité de doigté en mettant l’accent sur l’interprétation algéroise. Mustapha Skandrani ne caressera plus les touches de son piano de ses doigts habiles, mais la scène artistique algérienne se rappellera de l’homme discret qui a accompagné les grands maîtres de la chanson chaâbi et andalouse.
W. L./APS
13 octobre 2010
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