2.La nouvelle de Adila Katia L’autre Par : Adila Katia

Edition du Samedi 08 Octobre 2005

RÉSUMÉ : Mouna, de nature généreuse et sensible, donne quelques pièces, à une mendiante. Elle se rend ensuite chez son médecin traitant. Les derniers examens ont révélé que son taux de cholestérol est élevé. Il lui recommande un régime à suivre. Mouna décide de rendre visite à son mari. Mais il n’est pas là…

Oh, bonjour madame! dit une voix derrière elle.
Mouna se tourne et salue la secrétaire de son mari. Louiza a été récemment engagée. Elle est jeune, fine et jolie. A sa dernière visite, Mouna l’a trouvée bien entourée. Les employés de son étage semblent absents ce matin. Tout comme son mari.
- Où est-il ? demande-t-elle.
- Monsieur Samir ?
- Après qui voudriez-vous que je demande ?…Vous êtes la secrétaire de mon mari. Où est-il ?
- Il a une réunion à l’extérieur et, normalement il sera de retour dans deux ou trois heures…
- C’est bizarre, il ne m’a pas parlé d’une réunion, à l’extérieur…Est-ce qu’on peut le joindre ? l’interroge Mouna.
- Quand il est en réunion, il coupe son portable, répond la secrétaire sans rien lui apprendre de nouveau. Mais essayez toujours.
Louiza a décroché son téléphone et lui tend le combiné. Mouna refuse. Elle lui souhaite une bonne journée et part. Une fois en dehors du ministère, elle sort son portable et appelle son mari. Elle n’est pas surprise d’entendre l’opératrice lui dire que l’appareil est éteint.
Elle range son portable et elle décide de rentrer chez elle. Elle n’a pas le cœur à faire du lèche-vitrine ou à traîner dans les rues.
Pour rentrer chez elle  au Golf, elle prend un taxi. Moins de dix minutes après, elle descend devant chez elle. Dans la cage d’escalier, elle tombe sur sa voisine  Farida. Elle porte un panier plein de légumes et de fruits.
- Bonjour Mouna, comment vas-tu ?
- Bien…Et toi ? Et ta famille ? lui demande Mouna.
- Moi, j’aurais été bien si ma famille ne m’en demandait pas tant, répond Farida. Ils ont de l’appétit. Tout ce que je ramène du marché ne tient pas deux jours.
- C’est normal, dit Mouna. Tu as dix enfants. Pour grandir, ils ont besoin de bien manger. Qui te garde les petits ?
- Personne, lui apprend-elle. La petite a cinq ans, c’est elle qui garde son petit frère.
- Comment peux-tu lui confier son frère alors qu’elle n’est elle-même qu’une enfant ? Mais si tu avais eu une conscience, ajoute Mouna en souriant, tu n’en aurais pas eu autant !
- La stérilité t’a rendue aigrie et méchante, rétorque sa voisine. Si tu avais pu enfanter, je suis sûre que tu en aurais eu autant que ta santé te l’aurait permis. J’ai beau tout dépenser, épuiser toute mon énergie pour eux, ils me le rendent bien. Mon foyer déborde d’amour et moi, je ne connais pas la solitude et l’ennui. Toi, c’est tout ce que tu trouves en rentrant chez toi. Ta maison est remplie de meubles et de bibelots en tout genre,  sauf de l’essentiel.
Mouna est heureuse qu’elles soient enfin arrivées à leur étage. Elle se presse d’ouvrir sa porte et rentre chez elle. La gorge nouée par l’émotion, elle éclate en sanglots. Sa voisine n’a pas tort, dans le fond. Il ne lui manque rien. Elle ne peut pas se plaindre côté matériel. Comme sa voisine a pris plaisir à le lui rappeler, il lui manque l’essentiel. Elle n’a pas d’enfant.
C’est son seul regret. Après dix-huit ans de mariage, c’est le seul sujet qui peut la bouleverser autant et lui arracher des larmes.
(À suivre)

A. K.