Le livre Avril 80, orchestré par Arezki Aït Larbi et publié à l’occasion du 30e anniversaire du Printemps berbère, suscite encore des réactions de personnes ayant participé au mouvement dans tous les sens du terme, car même les gens du sérail et responsables de la sûreté ont eu leurs échanges acerbes sur l’origine de la répression. Le mérite de l’ouvrage est d’avoir réuni un panel d’acteurs ayant des angles de vision différents : étudiants, enseignants, et même des gens du pouvoir.
On trouve dans l’ouvrage un texte de Aziz Tari, figure emblématique du mouvement. Celui-ci affirme, entre autres, que Hend Sadi s’est soustrait de l’université le 19 avril pour se réfugier à Paris. Récemment, soit six mois après la parution du livre une Tribune, signé par le concerné et deux autres anciens militants de la mouvance berbérophile, met férocément en cause la personne de Tari. Choqué par la violence de l’agression – car c’en est une – je décide de prendre ma plume et de donner des éclaircissements sans complaisance.
Par Gérard Lamari
Un peu de rétrospective
Décidément, le serpent de mer n’en finit pas de gesticuler tant demeure encore convoitée l’appartenance du mouvement massif, contestataire, généreux et quasi libertaire de 1980. L’épithète peut interpeller, mais je l’assume… Il est variablement admis que le Printemps berbère, débordant de l’université pour s’étendre à toute la Kabylie, se trouve de plus en plus emprisonné par quelques acteurs d’alors. Il est donc temps de remonter le réveil et le temps. Je n’avais nullement l’intention de mettre les pieds dans le plat sur cette question tant elle paraît aujourd’hui anachronique. Fortuite en tout cas sur le «qui-fut-qui ?» ou le «qui-fit-quoi ?». Ces questions de second ordre ont été depuis bien longtemps évacuées puis ensevelies par la masse de soucis que traverse la Kabylie depuis plusieurs années. Il n’en demeure pas moins que ledit mouvement reste un acte fondateur, mais figé dans son passé. Les uns s’y agrippent mais sans s’ouvrir sur des perspectives méritées, d’autres s’y greffent et se lancent dans la fuite en avant et la surenchère. Il serait peut-être temps pour les animateurs du mouvement de 1980 d’écrire cette page sereinement et sans se cramponner à leurs chapelles respectives, ni à leurs egos. Je rappelle que l’un des points de la plateforme d’Avril 80 était «l’écriture objective de l’Histoire». Je note que nous avons nous-mêmes peine à accoucher de ce que nous exigions du pouvoir. Forcément, car la donne principale reste immuable, intangible : nous sommes dans l’impasse depuis trente ans ! Les crises successives subies (les MCB, arouch, …) n’en sont que l’illustration visible. Assurément, le mouvement kabyle peine à trouver sa maturité et à se transcender. Pourquoi ? Telle est la vraie question que nous devons nous poser ensemble. Les réponses sont à mon avis liées à notre erreur persistante dans l’analyse que nous faisions du pouvoir : nous considérions que quelques marches suffiraient à faire valoir nos revendications. Les fins de non-recevoir successives ont immanquablement mené les nôtres à s’estropier régulièrement (conflits MCB1-MCB2, FFS-RCDextrême- gauche, arouch-MAK…). La conséquence en est que la Kabylie erre depuis bientôt 10 ans dans la désespérance morale, faute d’élite responsable ! Ma démarche n’est surtout pas de régler des comptes. Elle s’inscrit seulement dans la clarification. Je ne souhaite donc nullement rajouter une couche au feuilleton du rentre-dedans. Pour ma part, et je l’ai déjà précisé à maintes reprises, j’estime avoir eu mon amas de désillusions et mon lot de déconvenues. A l’évidence, il n’est pas toujours aisé à la génération «Y» issue de l’après 1980, de suivre tous les tenants car ils n’ont jamais été consignés quelque part. Ce reproche, important et légitime, que les jeunes peuvent nous faire doit nous interpeller. Même lettrés, la culture orale a dû laisser quelque part son emprunte en nous. Mais revenons un peu aux origines…
Automne 1979 : ténèbres et lumière
Le centre universitaire de Tizi-Ouzou a ouvert ses portes en septembre 1977. Pour la petite histoire, j’étais le 4 einscrit des annales. J’ai donc vécu l’histoire première du Cuto, et ce, jusqu’en juin 1983. En octobre 1983, je pars à Toulouse en vue de préparer ma thèse de mathématiques. J’ai, avec Aziz Tari et Djamel Zenati, parcouru le chemin qui mène de la prise de conscience de l’oppression à l’explosion de 1980. Il y a aussi beaucoup à dire sur les événements de mai 1981, mais je remets à plus tard la narration et l’analyse de cet épisode qui est occulté par l’historiographie partisane (…). Revenons aux années 1978- 79. Dès le début, la mainmise de l’UNJA était oppressante. Du haut de nos 20 ans, nous nous sommes attelés à nous prendre en main hors de toute tutelle. Assez rapidement, nous commencions à être visibles et à être repérés comme de futurs éléments subversifs. Le terme en vogue était «réactionnaires »… C’est que nous osions déjà contester le maillage structurel établi. En 78-79, un nouveau Mouhafed (représentant du FLN), nommé Bourezem, était installé à Tizi. Son rôle était de remettre sur le droit chemin les brebis galeuses et museler les «gauchards» de tout poil. Un vrai dictateur local ! En bon baâthiste, Bourezem nous a mené la vie dure, mais ses coups de boutoir répétés ont fini par nous aguerrir petit à petit. Je me rappelle que les UNJA-volontaires- progressistes d’Alger en avaient une trouille bleue. Il ne s’exprimait qu’en arabe koraïchite. Le wali francophone de l’époque (Sidi Saïd) semblait vouloir composer avec ce nouveau maître. Voilà à quoi nous étions confrontés en 1978-79. A cette époque, point de FFS, point de PRS, point de PAGS. Livrés à nous-mêmes, nous nous construisîmes seuls. Pour affranchir l’université du diktat du pouvoir, Tari Aziz, Aït Ouakli Rachid, Djamel Zenati, Rachid Bouchenna, Mourad Allam, moi-même et bien d’autres organisâmes une dure grève, la troisième depuis l’ouverture du Cuto, qui s’allongea sur une durée de près d’un mois (du 17 octobre au 13 novembre 1979). Berbéristes, gauchistes avec le couteau entre les dents, Bougiotes et téméraires sans lendemain ont été les différents portraits qui ont été esquissés de nous. Rien n’y fait car l’immense majorité des étudiants était en symbiose avec notre groupe. La grève déboucha sur la création du premier comité autonome qu’ait connu l’Algérie post-coloniale. Concernant l’histoire de ce mouvement annonciateur de 80, on peut se référer au journal du défunt Rachid Chaker, frère de Salem. L’écrit relate la grève au jour le jour et a été édité en décembre 1979 par El-Jarida, organe du PRS. L’auteur produira un autre écrit sur le déroulement de l’occupation d’Avril 80. Vers la fin de ce conflit, une jonction avec quelques enseignants commençait à poindre. C’est à ce moment-là que nous fîmes connaissance avec Hend Sadi, Ramdane Achab, Bouguermouh et d’autres qui arrivaient fraîchement de Paris en tant qu’enseignants. Le cercle étudiant qui menait cette lutte frontale était déjà exposé à des arrestations éventuelles, particulièrement Aziz Tari. Aussi je reste coi lorsque les auteurs de la diatribe affirment que ce dernier était affilié à l’UNJA-PAGS. J’affirme pour ma part qu’au contraire, Aziz fut toujours virulent à l’encontre des organisations réformistes. D’ailleurs, il n’y avait pas de PAGS à Tizi. Aujourd’hui, Hend s’en prend au PAGS défunt. Partenaire devenu si encombrant car allié historique de sa formation politique ? Le manque de culture idéologique engendre manifestement des confusions entre révolutionnaires, réformistes, gauchistes, Mao, Anars, et autres pablistes ou lambertistes… Les luttes incessantes et toujours plus importantes nous amenèrent graduellement à prendre de plus en plus de risques. A titre d’exemple, Tari (encore…) fut très tôt menacé conjointement par les autorités et par les intégristes naissants. En définitive, notre acharnement s’avéra payant car dès décembre 1979, nous fûmes reconnus officiellement comme les représentants autonomes et légitimes des étudiants de Tizi-Ouzou. Une première dans l’Algérie post-coloniale ! Comptant mettre à profit notre nouveau «statut», nous prévîmes d’ouvrir la porte de l’université aux écrivains, hommes de théâtre et autres chanteurs libres et subversifs tels que Kateb Yacine, Imazighen Imula, … C’est ainsi que Hend Sadi vint nous voir pour nous demander s’il nous était possible d’inviter M. Mammeri à une conférence sur son dernier recueil Poèmes kabyles anciens. Contrairement à l’affirmation erronée des auteurs, il n’y eut aucune réunion pour statuer sur la venue de Mouloud Mammeri. Nous avions même accepté spontanément et avec enthousiasme ! A vrai dire, une telle intervention était une aubaine car elle s’inscrivait pleinement dans notre démarche. La conférence était prévue pour le 10 mars 1980.
Sur Avril 1980 ou la règle des trois tiers
Je reviens aux allégations portées à l’encontre de Tari par Sadi- Achab-Aknine. Les assertions émises dans ce papier ne peuvent rester sous silence tant le nombre de mensonges au centimètre carré mérite de figurer dans le dernier Guinness des records. La prose est tellement truffée de contre-vérités qu’il faudrait un mémento pour répondre à tout. Egrenons, cependant, quelques points saillants : – La toute première marche (11 mars 1980) : Je cite : «Aziz Tari se plaît à se présenter comme l’alpha et l’oméga du mouvement en s’attribuant, en particulier, trente ans après, le mérite d’être à l’origine de la première manifestation du 11 mars 1980 (des témoignages déjà publiés, dont certains remontent à vingt ans, contredisent cette affirmation). » Rien ne gêne plus les auteurs qui ne reculent même pas devant la chose connue et admise de tous : l’origine factuelle du mouvement. Je réitère que Aziz Tari est bel et bien à l’origine de la toute première manifestation publique du 11 mars. Le témoignage qu’il a apporté dans Avril 80 est authentique car j’y étais. Je me souviens que nous étions désemparés suite à l’interdiction de la conférence. Nous rencontrâmes bien M. Mammeri au niveau du standard de Oued-Aïssi. Il nous confirma que le wali lui signifia qu’il était une persona non grata à Tizi-Ouzou. La justification qui lui fut avancée est désarmante et digne des apparatchiks du début du siècle : nous voulions l’utiliser pour poursuivre des objectifs anti-révolutionnaires et occultes. (Sic !) Je rappelle qu’à l’époque, nous étions catalogués comme «néfastes et voulant nuire à la révolution». Il s’ensuivit alors le sempiternel «que faire ?». Avec Tari et Taleb Mohammed (étudiant en physique à ce moment-là, puis ayant abandonné le militantisme suite à la répression du 20 Avril), nous nous réunîmes en aparté pour envisager la suite. Pour nous trois, il fallait réagir. Mais comment ? Après un long moment de silence, je pris la parole pour expliquer à mes camarades que nous avions en face de nous une machine qui pourrait nous broyer et qu’il fallait nous limiter à marquer notre désapprobation sur l’interdiction de la conférence : organiser une grève comme initiative basse ou à la limite un sit-in devant la Wilaya comme initiative haute. Pour moi, il fallait simplement sauver l’honneur. Pour Aziz, c’était l’occasion de bondir vers une révolte à ciel ouvert. Ses arguments finirent rapidement par nous convaincre et l’Histoire lui donna raison. La manifestation fut préparée le soir même dans l’amphi de Oued-Aïssi avec l’ensemble des étudiants de sciences exactes. Les dernières banderoles furent peintes au petit matin. Les supports étaient nos draps ficelés à des bâtons de fortune. Le lendemain, à 8 heures du matin, nous étions tous à Hasnaoua pour faire converger les étudiants des sciences sociales vers le restaurant universitaire. L’objectif était de tenir une AG pour faire passer le message de la manifestation. La réunion fut finalement une AG-éclair car il n’y eut que deux interventions pour convaincre les étudiants de la nécessité d’une marche : la mienne d’abord, celle de Aziz ensuite. Contrairement à ce qu’a écrit Aziz (le seul bémol pour moi), Hend n’est pas intervenu ce jour-là. Il sera un simple marcheur. Etant donné que les agresseurs ont visionné au peigne fin la contribution de Aziz, ils auraient pu, tant qu’à faire, ajouter la rectification. Je rappelle que, jusqu’au 7 avril, l’affaire ne relevait que des étudiants seuls. Bien entendu, cela n’enlève rien au rôle très actif qu’ont joué, par la suite, les non-étudiants et la population de manière générale. – La revue Tafsut (1982 si ma mémoire est bonne) : Au départ, nous avions le journal Tilelli dont la ligne éditoriale était de gauche. Ce canard était alimenté essentiellement par des articles provenant de l’enceinte universitaire, des étudiants notamment. Les plumes manquaient et la parution venait tant bien que mal. Des amis ont tenté d’amener Kateb Yacine à la rescousse mais la mayonnaise n’a pas pris. L’autre groupe du mouvement (FFS pour schématiser) a voulu initier un autre périodique plus orienté «démocrate». Cette «loge», qui ne se sentait pas bien dans Tilelli, a voulu lancer un autre canard : la revue Tafsut. Ce courant politique n’avait pas de moyens de reprographie à l’université. Les «gauchistes- staliniens» que nous étions leur laissâmes tout le matériel de Oued-Aïssi (local, dactylo, ronéo). Au passage, c’est grâce à notre geste qu’Arab Aknine apprit à taper à la dactylo, seul rôle qu’il n’ait jamais joué avec la distribution de tracts. Chacun selon ses capacités… Pour résumer, l’initiative s’avéra heureuse car Tafsut produira quelques publications intéressantes sur la langue. La revue divulguera même, à notre étonnement, la déclaration de la grève de la faim que nous entamâmes quelques mois plus tard à la prison de Bougie. – La manif du 7 avril 1980 : Jusqu’à cette date, deux manifestations étaient à l’actif des étudiants : les 11 et 26 mars. La seconde était organisée par nos soins pour, notamment, alerter l’opinion sur les arrestations de Chemime Mokrane et de Abboute Arezki. Nous n’avions pas encore assez de poids pour exiger leur libération. Plus tard, nous les retrouverons comme codétenus à la prison de Berrouaghia. Vers le 5-6 avril, une rumeur circula quant à une nouvelle manifestation initiée cette fois-ci par des hommes de culture (l’écrivain Kateb Yacine, le peintre M’Hamed Issiakhem,…). Elle était prévue dans la capitale pour le 7 avril. En réalité, elle était une initiative non avouée du FFS. Bref, quelquesunes de ses figures vinrent nous en informer seulement la veille, soit le 6 en début d’après-midi. Nous sentions confusément qu’une telle précipitation (pas de tracts, pas d’affiches, pas d’information) ne pouvait drainer du monde. Avec Tari, décidément, nous organisâmes dans l’urgence une AG à Hasnaoua pour rejoindre la manifestation le plus massivement possible. Elle était prévue pour le lendemain à 10 heures à la place du 1er- Mai à Alger. En parallèle, les étudiants d’Alger, qui ont eu la même information (le comité de Ben Aknoun en fait), ont décidé de participer seulement à titre individuel (voir le témoignage de Arezki Aït Larbi). Pour ce qui nous concernait à Tizi, nous considérions qu’il fallait y participer. Je reviens à nos trois impertinents lascars et cite : «C’est la raison pour laquelle il [Aziz Tari] a été tenu soigneusement à l’écart de toutes les initiatives qui ont fait le Printemps 1980, en particulier la préparation de la marche du 7 avril 1980 à Alger (à laquelle il a participé comme marcheur).» Parmi toutes les marches de 80, celle du 7 avril fut la plus incertaine tant elle fut mal préparée. Pour nous, comme je l’ai relaté plus haut, désenclaver la Kabylie et porter les revendications sur la place d’Alger pouvaient amener à l’accélération de l’avènement de nos espoirs. Dès la fin de l’AG de la veille, à la tombée de la nuit, nous partîmes incognito pour Alger avec armes et bagages (banderoles, tracts et le texte de Mammeri répondant à Kamel Belkacem). Le taxieur Brahim (décédé depuis suite à un ulcère) nous amena chez le frère de Aziz à Télemly. C’était notre QG d’Alger en quelque sorte. Le lendemain, avant de rejoindre la marche, nous inondâmes la Faculté centrale de notre prose. Ces faits provoqueront plus tard l’arrestation de toute la famille Tari. Quand je lis qu’il n’a été que marcheur, je reste pantois. Car c’est à l’évidence la personne qui a le plus payé de cette journée bénéfique. Au matin du 7 avril, une grande partie du convoi des étudiants de Tizi, qui devaient rejoindre la place par le train, fut bloquée à Ménerville. La nuit du 19 avril : Je cite encore «…Hend Sadi n’a quitté la réunion qu’à la fin de celle-ci, après le vote qui s’est conclu en faveur de la poursuite de l’occupation du centre universitaire, à une très courte majorité.» C’est le point d’orgue de la polémique qui oppose Aziz à Hend. Elle sera difficile à résorber tant que ressurgira le leitmotiv central : où est l’authenticité, où est l’usurpation ? Le repère du 19 avril est crucial car il met en exergue beaucoup de non-dits, de non-écrits surtout. C’est de cette faille qu’ont germé les appropriations frauduleuses de ce mouvement généreux (…). Quelques brefs rappels pour la pédagogie : (1) Le comité AR (anti-répression) est mis en place suite à la répression du 7 avril. Il était composé d’une quarantaine de personnes et son rôle était d’éclairer le mouvement. Il était constitué majoritairement d’enseignants affiliés au FFS ou au PRS, et de seulement quatre étudiants inorganisés politiquement. (2) Ce comité AR n’a jamais procédé à un quelconque vote. Les décisions étaient prises suite à un débat suivi d’un consensus. A défaut, c’était l’AG du lendemain qui tranchait. (3) Le deuxième point donnait aux quatre étudiants un certain pouvoir de «veto» car les AG étaient toujours en leur faveur. Crevons l’abcès d’une soirée qui mériterait un livre. L’université était occupée depuis 13 jours. Une ère de liberté y régnait. Le comité anti-répression (AR) se retrouvait tous les soirs pour faire le point et envisager le lendemain. Tout se faisait au jour le jour. L’AR qui représentait la communauté universitaire – et non plus les seuls étudiants – était composé de trois collèges théoriques : enseignants, étudiants, travailleurs. Dans la réalité, les enseignants étaient ultramajoritaires (nous n’avions pas mis de quotas en place). Ces derniers étaient pour la plupart affiliés et les esprits libres étaient rares. Nous n’étions qu’une poignée d’étudiants dans cette galère : Aït Ouakli, Zenati, Tari et moi-même. Mais lorsque nous devions prendre une décision importante, nous avions un poids considérable car nous menacions de faire appel à l’AG qui nous suivait toujours. Comme d’habitude, nous nous retrouvâmes dans la soirée du 19. Franchement, je ne me souviens pas de la présence de Hend. Ou alors, elle ne m’a pas marqué. Sa présence ou son absence n’aurait aucunement changé le cours des choses. Je ne vois pas pourquoi il fait aujourd’hui un caca nerveux sur ce point (…). La chose qui m’a marqué et outré est bien l’effort qu’ont fait les militants du FFS et PRS pour nous faire stopper le mouvement dès le lendemain. Et sans contre-partie. Visiblement, il y eut des négociations derrière notre dos. Nous fûmes intraitables, et la réunion se termina vers trois heures du matin en queue de poisson. En vain, le wali a attendu toute la nuit notre «reddition». Nous avions in fine décidé de trancher le lendemain en AG. Le matin du 20 avril, les trois glorieuses commençaient… – Avant de finir, un petit clin d’œil à mon camarade Hakem… Que je cite à son tour : «Sous la brume épaisse, Aziz Tari et Idriss Lamari, comme ils l’avaient fait quasiment durant tout le mouvement, s’étaient rendus dans la chambre du bâtiment G qui m’était attribuée en tant qu’enseignant» Pour rebondir face au fatras FFS, nous nous sommes effectivement retrouvés une fois, peut-être deux avec Aziz, pour rédiger, à des heures indues, la plateforme de revendications (il faut dire que nous manquions cruellement d’un texte clair). Nous comblâmes ce vide que nous fîmes adopter en AG. Le cahier de revendications servit de base au séminaire de Yakouren. That is, comme j’aime dire. Autrement, je fus arrêté vers quatre heures du matin du côté de M’douha avec Aït Ouakli. Nous étions les deux premiers de la série des centaines d’arrestations. Et nullement dans la chambre G, à demi-nus. Je ne me suis d’ailleurs pas encore découvert de tendances nouvelles. – Enfin, pour refermer l’épisode, la règle des trois tiers : Le trio Hend-Achab-Aknine ignore peut-être la règle de Pareto qui édicte : 1/3 de vérités, 1/3 d’omissions, 1/3 de mensonges. Notre triptyque ad oc nous propose désormais le trois-tiers de mensonges.
G. L.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/10/11/article.php?sid=107186&cid=41
11 octobre 2010
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