Offrez un peu de votre sang, rejoignez le centre le plus proche ! Il demande quelques heures d’absence à son chef, qui ne les lui refuse pas. Non sans le prévenir qu’elles seront défalquées de sa fiche de paie. Qu’à cela ne tienne. Il se dirige vers le centre des donneurs de sang. C’est tout ce que j’ai à offrir, se dit-il, faisons donc une bonne action.
Arrivé sur place, des donneurs l’accueillent avec le sourire. Un brin de causette, en attendant que tout se mette en place.
- Hé oui, il n’y a que les msakine qui viennent offrir leur sang. Les autres, on ne les voit que lorsqu’il s’agit de prendre. Donner n’est pas leur dada. Pourtant, ils sont les premiers servis en cas de pépin.
- Les pépins, leurs pépins, ils les règlent à l’étranger. En cas de problèmes de santé, c’est là-bas qu’ils se soignent. C’est nous qui aurons besoin de sang.
- On aura besoin de sang, et de mille et une choses. On est entassés comme des sardines dans des cercueils et quand tu parles, on te répond : «Il y en a qui n’ont même pas une pièce !». De quoi tu te plains ? La bouffe, on attend la fin des marchés pour acheter ce qui est bradé, presque pourri. Les laitages, on s’arrange pour les acheter moins cher quand ils sont exposés sur des étals de fortune, vendus à la criée, car la date de péremption Le steak-frites, nos enfants ne le connaissent qu’à travers la télévision. Des vacances, nos mômes n’en ont point ! Quand mon dernier a réussi son passage en cinquième, je n’ai pu lui offrir qu’un tour au manège municipal. Je pense déjà aux affaires scolaires de la prochaine rentrée Toute notre vie n’est que mauvais sang !
- Mauvais sang sur mauvais sang, répète en chœur l’assistance, renforcée par la voix aiguë de l’infirmière de service. Celle-ci continue en solo:
- Docteur, Hakim, tous ceux qui sont là n’ont que du mauvais sang. Je pense qu’il faut leur donner un sandwich et les libérer. N’dirou mzia…
9 octobre 2010
Contributions