Si nous nous référons aux articles de la presse écrite et aux contributions d’acteurs de la famille éducative, le système éducatif algérien, tous paliers confondus, ne cesse de susciter interrogations et inquiétudes qui se manifestent également dans maints espaces, formels ou informels, privés ou officiels, médiatisés ou non.
Et s’il est indéniable que comparativement aux années postindépendance, le système éducatif a connu un déploiement quantitatif, aujourd’hui en ce troisième millénaire où les investissements en recherche- développement et innovation, en éducation et en formation croissent encore plus rapidement que les investissements traditionnels, la qualité de l’enseignement demeure l’inéluctable moyen pour le développement. Ainsi, il a été élaboré plusieurs recommandations concernant la qualité de la formation universitaire, lors de rencontres en Algérie ; mentionnons le séminaire international sur le système LMD qui s’est tenu à Alger le 30 et 31 mai 2007, et qui avait notamment accordé une large part à l’assurance qualité, à l’évaluation et à la gouvernance à l’université.
Dans ce sens, l’agence nationale de presse APS, reprise par plusieurs titres, a rapporté ce début du mois d’octobre, lors d’un entretien accordé à des responsables au niveau de la tutelle que «la rentrée universitaire aura pour slogan «la qualité des enseignements» et ce, à travers le coup d’envoi de l’opération d’évaluation nationale des établissements universitaires pour «garantir un enseignement de haut niveau qui réponde à des normes internationales».» Il était assurément temps de déclencher les opérations en vue d’une formation de qualité, celle-ci étant indissociable des procédures d’évaluation dont celles concernant l’étudiant (1). Sachant que la qualité et la normalisation sont deux concepts polysémiques étroitement liés, les processus de normalisation, dans le domaine de la qualité, ont connu une extension fulgurante et l’amélioration de la qualité, à travers des standards internationaux touche aujourd’hui les organismes de formation(2).
Il semble utile, de rappeler ici brièvement, les démarches universellement adoptées, pour asseoir un système qualité(2), car toute démarche qualité est soumise au respect des recommandations de l’Unesco et des standards internationaux. Selon une définition, l’assurance qualité dans l’enseignement représente «les moyens par lesquels un établissement peut garantir avec confiance et certitude, que les normes et la qualité de l’enseignement qu’il dispense soient maintenues et améliorées». Deux types d’approche sont alors pris en considération : la qualité inhérente aux idéaux et à la nature désintéressée du Savoir et la qualité extrinsèque qui répond aux objectifs économiques. La démarche qualité obéit à des procédures telles l’audit, l’accréditation et la certification. Les critères d’évaluation sont aussi bien internes qu’externes à l’organisme de formation. Conformément à l’article 11 de la déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur publié par l’ONU, nous sommes amenés à édifier une culture de la qualité et à évaluer tous les éléments qui concourent à la qualité de la formation dont les enseignements, les programmes, la recherche, les ressources humaines, les infrastructures, les équipements … L’évaluation multiforme, régulière, excluant toute approche rigide et faite avec le consentement des acteurs en présence (étudiants, enseignants, personnel technique et administratif…) garantit la confidentialité des procédures d’évaluation qui sont évaluées à leur tour afin d’améliorer les processus de la démarche qualité. Par ailleurs, convenant que les libertés académiques et le respect des droits de l’homme ont une influence décisive sur la gestion de la qualité, l’UNESCO a établi en 2006 des lignes directrices destinées à toutes les parties prenantes de l’enseignement supérieur (gouvernements, établissements de formation et prestataires, associations estudiantines, organismes d’assurance qualité et d’accréditation…). Ces lignes proposent entre autres, des outils et une synthèse des meilleures pratiques afin d’aider les Etats membres à évaluer la qualité de leur enseignement supérieur et de «protéger les étudiants et les parties prenantes contre les services éducatifs de qualité médiocre». D’un autre côté, les pays membres de l’OCDE ou ceux du processus de Bologne (les initiateurs du LMD) à travers leurs réunions périodiques font de la qualité de l’enseignement et de son maintien leur principal cheval de bataille. Voilà quelques éléments concernant des approches globales universellement admises.
Pour revenir au «coup d’envoi de l’opération d’évaluation nationale des établissements universitaires» selon les termes utilisés par les responsables de la tutelle, les universitaires, ne pourraient qu’adhérer aux principes de cette démarche tant attendue. Relevons ici, que la quasi-totalité des enseignants a appris par la presse, et non pas par les circuits de communication du ministère, maintes décisions et ce «coup d’envoi» qui engagent l’avenir de l’université. Soulignons aussi, que sans l’instauration des marques d’une bonne gouvernance, basée sur la concertation, la sensibilisation et limplication franche de la famille universitaire, rien de sérieux ne pourra se faire. Concernant l’évaluation, celle-ci doit être déclenchée à tous les niveaux, pour tous les éléments en interaction, dans la transparence et selon des critères scientifiques établis. Il s’agit donc d’évaluer les infrastructures, quand on sait que les salles comportent souvent des effectifs surchargés, que les moyens matériels sont insuffisants ou mal gérés, que les étudiants sont mal logés, mal nourris, mal transportés ; que par rapport à nos voisins, nous sommes mal classés quant à la pénétration et l’usage des TIC dans l’enseignement.
Il s’agit aussi de procéder à une évaluation des ressources humaines. Une bonne gouvernance exige une formation adéquate en management de nos responsables, en dehors de leurs compétences scientifiques respectives. Concernant les enseignants, il faut peut être souligner, l’observation sur le terrain le montre, que le grade et les compétences scientifiques demeurent insuffisants pour assurer un enseignement de qualité, puisqu’il est établi que les compétences dans l’enseignement sont également d’ordre pédagogique et relationnel. Ainsi, la fonction pédagogique(3) étant le point nodal d’une formation de qualité à l’université, il faudrait encourager les recherches en didactique des disciplines, comme il est temps de mieux asseoir la formation en didactique et en techniques de communication, aussi bien pour les étudiants en fin de cursus, que pour les enseignants nouvellement recrutés. Il faut également mentionner l’importance que nous devons accorder à la transdisciplinarité au sein de nos universités. Et puis un enseignement de qualité doit commencer à la base, c’est-à-dire dans le cycle primaire. Il est par conséquent fondamental de procéder à des évaluations au niveau des paliers de l’éducation nationale. Car la qualité de la formation parait difficile à réaliser, si les bacheliers ne possèdent pas les connaissances et les capacités requises dès leur entrée à l’université. Dès lors, la formation des formateurs, à travers des recyclages et en mode continu, demeure l’une des actions à approfondir. Sous d’autres cieux on encourage ce qui est appelé la formation continue ou l’apprentissage tout au long de la vie. Par ailleurs, à l’ occasion de la journée mondiale des enseignants, célébrée ce 05 octobre, l’Unesco à travers son site Internet, précise que «les enseignants sont la principale ressource de l’éducation. Sans eux, il est impossible d’accéder à une éducation de qualité.» L’Unesco qui exhorte les gouvernements et la communauté internationale à augmenter les investissements en faveur des enseignants, attire l’attention sur le statut de ces derniers et sur leurs conditions de travail’. Assurer donc un enseignement de qualité sans une gestion optimale de tous les moyens et les ressources nécessaires, relève de la quadrature du cercle. A titre d’exemple, la gestion du temps pédagogique, qui est l’un des paramètres à prendre en compte, pose de grands problèmes dont certains sont exogènes à l’université (6).
Ces quelques notes incomplètes et éparses étant émises, souhaitons l’ouverture d’un large débat sur l’opération d’évaluation à l’université. Le chemin est ardu, car la complexité est présente, mais l’espoir est permis, tant que la qualité de l’enseignement ne soit pas un simple slogan et pour autant que la volonté, la concertation et la communication soient effectives.
*Université d’Oran
Références :
(1) Rachid Brahmi In El Watan du 04 mai 2010 : De l’évaluation de l’apprenant dans le système éducatif
(2) Rachid brahmi In le quotidien d’Oran du 20 mars 2008 : De la qualité et de l’enseignement en un topo
(3) Ali Derbala In Le quotidien d’Oran du jeudi 15 juillet 2010 : De la pédagogie dans l’enseignement supérieur
(4) S Shiba, A Graham et D Walden In édition Dunod 1997 : 4 révolutions du management par la qualité totale.
(5) http://www.unesco.org/fr/education/
(6) Rachid Brahmi In le Quotidien d’Oran du lundi 23 février 2009 : Gérer le temps pédagogique à l’université
9 octobre 2010
Contributions