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12 S: le document qui prouve que vous n’existez pas par Kamel Daoud

9 octobre 2010

Contributions

Le 12 S. Un jour vous allez y être confronté, en souffrir, demander à des amis d’intervenir, supplier, vous battre devant un guichet, être malmené par un policer chargé de faire respecter l’ordre dans une APC, payer, corrompre, offrir 5.000 DA, téléphoner, vous absenter, songer à abandonner la démarche, insulter, hurler, griller un feu rouge en rentrant chez vous et lancer une grosse pierre au premier qui a songé à demander l’indépendance, même si ce bonhomme se trouve dans l’au-delà.



Le 12 S est le nouvel extrait de naissance imaginé par l’ex-ministre de l’Intérieur pour moderniser l’état civil du pays : ce sera aussi son legs le plus terrible, et les gens ne se souviendront ni de ses lapsus catastrophiques ni de sa gestion par les cadenas, mais du 12 S. Car, aujourd’hui, pour obtenir cet extrait de naissance, il faut naître deux fois. Qu’est-ce qui ne marche pas malgré les allègements déjà décidés? Le «Tout». Le fond du problème a été ignoré dans le cadre du schéma de pensée «Industrie industrialisante». On a cru moderniser le pays en important des usines, avec un plan Oustratic ou en achetant des tracteurs, on a oublié qu’il faut d’abord le faire avec de la ressource humaine. C’est le cas de la vaste vision biométrique de Zerhouni : on a décidé de passer de l’analogique au numérique avec des APC mal encadrées, un personnel «emploi de jeunes» incroyablement mal payés, sous compétents et peu motivés, des Assemblées sans Pouvoirs réels, des recrutements inefficaces à cause des budgets et des daïras si peu préparées. Résultats des courses : on a imposé la vision biométrique dans des administrations où les employés sont parfois incapables de recopier l’orthographe d’un nom et prénom sur un livret de famille. Les cas d’erreurs sur les extraits de naissance et les documents civils deviennent un risque sur la sécurité nationale, la notion de filiation et de patronyme et l’ordre symbolique des naissances et crevaisons. Le pire est que c’est le citoyen qui va en payer le prix : il suffit d’une simple voyelle déplacée pour que le malheureux se retrouve à refaire «la chaîne», à revenir sur ses pas pendant 489 km ou, encore plus grave et plus courant, à recourir à la Justice et sa terrible machine pour corriger un prénom. Depuis une décennie, le pays est plongé dans une sorte de désordre des signes devenu surréaliste : des grands-mères se retrouvent désignées comme non mariées sur des documents officiels, des fils perdent les parents qu’ils ont sous les yeux, des jeunes sont poussés vers le flou sexuel à cause d’un prénom d’homme devenu prénom d’une femme, etc.

La raison ? Évidente : avant de moderniser l’état civil, il fallait l’inventer. C’est-à-dire réinventer de vraies mairies, avec un personnel qualifié, réhabiliter la notion de «commune» et d’état civil, revoir ses troupes, les créer, les payer, reclasser ses registres et mettre en ordre ses papiers. On ne l’a pas fait car on croit encore qu’en important des tracteurs, on peut voir pousser la pomme de terre et qu’en achetant des microordinateurs et en donnant trois conférences de presse, on a lancé l’opération. La mentalité «Décision pour plaire au Président + phase pilote + fausses statistiques + premiers couacs + changement de gouvernement» est déjà consacrée depuis longtemps. C’est le cas pour aujourd’hui : on a soulevé la montagne avec sa langue, on a lancé l’opération biométrie puis on a laissé le peuple se manger «entre lui». Le 12 S est un enfer kafkaïen. Dans certaines communes de l’Oranie, outre le fait qu’il faut remonter jusqu’en 1954 pour le demander aux fondateurs du FLN, le formulaire ««papier» n’existe pas. Pénurie totale et il faut se placer, en jouant du coude, sur la liste d’attente. A rappeler donc : la prochaine fois que vous voulez moderniser une machine, commencez par la créer.

Une autre solution : lorsqu’un ministre lance une opération genre 12 S, ne lui demandez pas des chiffres ou des promesses. Demandez-lui d’enlever son costume, de larguer ses garde-corps et sa voiture, de s’habiller comme un vieux billet de 50 DA et d’aller demander ce genre d’extrait de naissance dans une APC perdue, dans quatre wilayas différentes et sans jouer ni du téléphone, ni des «connaissances», ni de son portrait. S’il réussit à avoir son 12 S en moins d’un mois, l’opération est bonne pour le reste du peuple. Une règle à généraliser pour tous les ministres et toutes les réformes.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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