le 02 Octobre, 2010 |
Autrefois, la parole donnée valait son pesant d’or ; aujourd’hui, elle ne coûte plus rien dans notre société : c’est l’un des troubles de notre personnalité ; l’autre, consiste à mépriser de tout ce qui est algérien afin d’encenser ce qui est étranger. Nous allons illustrer cela par l’« affaire de l’Egypte au SILA » qui est loin d’être réglée.
Afin d’apporter la contradiction au « groupe d’intellectuels » qui exigeaient la participation de l’Egypte au SILA, une contribution fut proposée à quatre quotidiens et à deux sites d’information. Seuls deux l’ont publiée : lematindz du 8/9 (« Heureusement, tonton Smaïl veille ! »),
le quotidien « L’Expression » du 25/9 (« Ameziane a agit par nif et dignité. »). Quant aux autres, contrairement à un « chibani » retraité, les patrons de journaux portent sur les épaules de lourdes responsabilités. En effet, pris entre l’enclume de l’éthique et le marteau des contraintes (publicité, imprimerie, fisc, justice, etc.), de brillants esprits sont réduits à parodier les singes des gorges de la Chiffa qui ne mordent jamais la main qui les nourrit. Ce n’est pas le cas du maquisard de la presse algérienne qui préfère rompre que plier l’échine : passer deux ans en prison et voir son journal disparaître pour ne pas renier ses idéaux. Le mérite de Mohamed Benchicou est encore plus grand, puisqu’il a accepté de publier un texte qui combat les instigateurs d’une pétition qu’il a, pourtant, signée !
Après la publication de plusieurs contributions, les rôles des uns et des autres étaient clairs, mais voilà que surviennent des rebondissements annonçant la participation de l’Egypte au SILA ! Aussitôt, commençait la course au retournement de vestes et de jupons afin de s’adapter à la nouvelle situation. Enfin, les masques commencent à tomber en révélant les vrais visages de certains acteurs :
1) Hier, l’attitude de « tonton Smaïl» fut comparée à celle de l’« aigle royal » ; aujourd’hui, après les multiples revirements, « corbeau noir » n’est-il pas plus proche du réel ?
2) Dès l’annonce de l’interdiction de la littérature égyptienne au SILA, les nationalistes algériens ont soutenu de toute leur force cette initiative au point d’être accusés de « suppôts du Pouvoir ». Voilà qu’aujourd’hui, leurs accusateurs se retrouvent dans le camp de ce même Pouvoir ! Nous nous gardons de jeter des pierres, car nous savons qu’il existe un clivage dans la société (de la base au sommet) entre les « nationalistes » et les « internationalistes » (marxistes, baathistes, islamistes, « occidentalistes », etc.). La devise des premiers était (après le Congrès de la Soummam) : « La révolution algérienne n’est inféodée ni à Moscou, ni à Washington, ni à Londres, ni au Caire. » ; leurs actions furent la conduite de la Révolution, l’« Opération Khartoum », la découverte du scandale SONATRACH, etc. Quant aux seconds, hier ils recevaient les ordres du chef des moukhabarat Fethi Dib ou du général De Gaule ; leurs actions furent le putsch de l’été 1962 contre le GPRA, la signature d’un contrat gazier en novembre dernier au Caire (alors que le sang des Algériens n’a pas encore séché dans les rues), le sabotage des entreprises publiques algériennes afin de les remplacer par des sociétés nationales (ou privées) étrangères, etc.
Le revirement du SILA est bien malheureux et maladroit : on annonce un bras de fer avec un adversaire, puis on se défile. Cela aurait été plus payant de se taire, puis de les inviter. Cependant, même dans ce cas, l’Algérie airait été perdante, car c’est l’Egypte qui avait commencé la guerre médiatique et les agressions des Algériens avec les moyens de l’Etat. La logique exige que ce pays reconnaisse ses fautes et demande pardon au peuple algérien. Après cela, on pourrait aborder la réconciliation. Sans cela, il est difficile d’oublier la haine déversée, les personnes lynchées, les symboles profanés. Pour l’exemple : est-il moralement acceptable de dérouler le tapis rouge aux officiels égyptiens ayant brûlé notre drapeau, alors que des jeunes de Sidi Salem croupissent en prison ? Pourtant, ces derniers ont fait ce sacrilège pour nous montrer qu’ils n’ont pas encore profité des fruits de l’indépendance, eux, qui sont nés et ont grandi dans un camp de la SAS abandonné par la France. En conclusion, le changement d’attitude envers l’Egypte est contre-productif pour la grandeur de notre pays, car contrairement aux affirmations des « intellectuels », le conflit ne se réduit pas à une simple « guerre du football », mais relève d’avantage de l’instinct de domination qui régit les relations humaines. Après ce revers, le prestige de notre pays pourrait prendre un sacré coup, surtout que son rang est déjà au plus bas dans l’échelle de valeur des nations. Espérons seulement que la soumission n’atteindra pas l’humiliation et que les nationalistes algériens reprendront bientôt le dessus.
3) La réintégration de l’Egypte au SILA s’est faite après l’intervention énergique des éditeurs arabes sommant l’Algérie à reconsidérer sa position initiale en brandissant l’arme du boycott. Il est utile de rappeler qu’aucune organisation arabe n’avait condamné l’Egypte lorsque nos symboles furent piétinés, nos supporters et étudiants lynchés, ce qui démontre un flagrant parti pris. D’ailleurs, tout Nord-Africain ayant vécu au Moyen–Orient sait que ces gens-là ne considèrent pas les Tunisiens, Algériens et Marocains comme de vrais Arabes : pour cela, ils nous surnomment les « Arabes cassés ». Peut-être que cette organisation est seulement venue au secours des « frères » égyptiens pour les extraire des griffes des « Barbares » algériens. Cette intervention étrangère a tout de même fait des heureux : le « groupe d’intellectuels » qui vient de remporter une victoire par abandon. Néanmoins, ils ont gagné une bataille, mais pas encore la guerre : ils ont milité contre la « dictature du commissaire politique qui voulait censurer les auteurs égyptiens en 2010, après avoir fait de même avec les auteurs algériens en 2007, 20008 et 2009. ». Logiquement, la lutte ne doit-elle pas se poursuivre afin de réintégrer les auteurs algériens (Benchico, Sansal, etc.) interdits au SILA ? S’ils abandonnent le combat maintenant, ne seront-ils pas considérés comme d’affreux mercenaires ayant réhabilité des auteurs étrangers en ignorant ceux de leur pays ? Il est vrai que cette tare est peut-être inscrite dans nos gènes, car même en allant loin dans l’histoire, nous retrouvons ce besoin névrotique de servir fidèlement les autres en méprisant les nôtres.
La cause de cette déviation n’est pas d’ordre génétique, mais provient d’une déficience psychique, la « haine des siens ». Celle-ci et son ambivalent, l’« amour excessif de soi » (« zaïmisme ») forment le « Mal algérien ». Ces dérèglements de la personnalité sont explicables grâce aux théories de la psychanalyse, lesquelles seront peut-être abordées une autre fois. Le premier syndrome cité est à l’origine des comportements suivants :
a. L’indifférence à l’égard de la souffrance des Algériens d’ici (victimes de la misère ou du terrorisme, harraga, etc.) ou d’ailleurs (Europe, Moyen-Orient, etc.), alors que nous prétendons être les champions de la libération des peuples opprimés !
b. Le mépris de l’intelligence des Algériens : les scientifiques comme les religieux, tels que Khaled Bentounès ou Mohammed Arkoun (qui vient de mourir dans l’indifférence), alors que des « douctours » étrangers sont reçu chez nous avec les honneurs dus à leur « statut ». Pourtant, ces charlatans ne sont ni des hommes de sciences ni des serviteurs de Dieu, mais uniquement des laquais des puissants du moment. D’ailleurs, certains ont avalisé l’invasion de l’Irak ; d’autres l’érection du « mur de la honte » à Gaza afin d’affamer les Palestiniens !
Avec une telle mentalité, notre pays ne risque pas de sortir de la médiocrité ; la seule issue consiste à nous remettre en question afin de changer de comportement. En effet, contrairement aux croyances des esprits dualistes, le monde ne se compose pas des êtres « bons » et des êtres « méchants », comme les personnages des westerns de notre enfance ; chacun d’entre nous porte en lui la bonté et la méchanceté, la bravoure et la lâcheté, l’intelligence et la bêtise, etc. : c’est la « lutte des opposés », comme nous l’enseignent le soufisme du Mostaganemois cheikh Bentounès et la psychanalyse du Suisse C. G. Jung. C’est l’orientation vers l’un des pôles opposés qui distinguent les caractères des personnes. Cette situation n’est pas figée, mais évolue avec la vie : on peut être brave, puis devenir lâche ; méchant puis devenir bon ; etc. C’est pour cela qu’il est plus sage de juger les idées et les actes, mais guère les individus.
La joie née de l’interdiction de la participation de l’Egypte au SILA fut de courte durée, puisque des injonctions venues d’en haut l’ont annulée. Ce revirement porte un sérieux coup à la réputation du pays qui s’est incliné devant une association dépourvue crédibilité. Cette situation est porteuse d’un malaise après l’impunité dont bénéficient des étrangers, alors que des Algériens sont sévèrement condamnés. Quant aux « intellectuels », ils sont contraints de continuer le combat afin de réintégrer les auteurs Algériens exclus, si non, ils seront considérés comme les suppôts d’un pays étranger. Il est vrai que cette pratique objecte fait partie de nos mœurs, celle-ci a pour origine la « haine des siens » tapie dans les profondeurs de notre être. Néanmoins, il est temps que ce comportement avilissant cesse, car il en va de notre survie : si nous ne nous respectons pas, personne nous nous respectera ; si nous ne développons pas notre pays, personne d’autre ne le fera. Quiconque sait cela et ne le dit pas est passible de poursuites, devant Dieu et l’histoire, pour « non assistance à peuple en danger ». Assurément nous le sommes, car dépendant des recettes pétrolières : si cette manne venait à tarir, notre peuple sera réduit à la famine.
En revanche, si nous utilisons convenablement nos potentialités, surtout mentales, notre pays ne tardera pas à se transformer en un havre de pays. Alors, ce jour-là, les harraga changeront de projet pour fonder un foyer dans leur propre pays, les Algériens vivant à l’étranger reviendront par centaines de milliers. Après tout, l’Algérie est un splendide pays, parole d’un ancien émigré ayant vécu en France et en Arabie !
Boudjema Tirchi.
6 octobre 2010
Contributions