Les difficultés réelles rencontrées par l’armée américaine et ses subordonnés de l’OTAN en Afghanistan entraînent une multiplication des incursions aériennes en territoire pakistanais.
Le dernier incident de jeudi, au petit matin, marque un seuil dans l’escalade des bavures et autres dommages collatéraux infligés à ce qui est devenu un théâtre d’opérations quotidiennes. Un hélicoptère américain a tué trois gardes-frontières pakistanais et en a blessé trois autres. Le Pakistan a immédiatement fermé le principal passage frontalier, obligeant un important convoi d’approvisionnement de l’OTAN à se dérouter, pour être finalement détruit par des assaillants non identifiés.
L’activité croissante des drones téléguidés de la CIA au-dessus des régions pakistanaises frontalières de l’Afghanistan avait déjà créé une ambiance tendue au sein même de l’administration d’un pays fragilisé et dévasté par des inondations catastrophiques. La mort de soldats sur le territoire pakistanais contribue à tendre davantage une situation critique. L’anti-américanisme de l’opinion pakistanaise, difficilement contenu par un gouvernement impopulaire, monte et se renforce parmi les élites dirigeantes du pays.
Le double langage des officiels pakistanais, qui entérinent en privé les intrusions occidentales dans les zones frontalières, tout en faisant mine de les regretter publiquement, est de plus en plus difficile à tenir. Le Parlement d’Islamabad a unanimement condamné l’action américaine et le ministre de l’Intérieur s’est ouvertement posé la question cruciale : «Sommes-nous les alliés ou les ennemis des Américains ?». Le ministre s’interroge Ce n’est pas le cas d’une opinion ulcérée par le peu de cas fait à la souveraineté du pays.
Si l’extension de la guerre contre les insurgés afghans est une option du président Barack Obama, le débordement vers des champs périphériques du théâtre de leurs guerres est une spécialité américaine. Sans remonter très loin dans la riche histoire militaire des Etats-Unis, la guerre spéciale – secrète – au Cambodge, pour couper les flux d’approvisionnements des révolutionnaires vietnamiens, avait entraîné l’armée américaine dans une spirale aussi absurde que meurtrière, qui déboucha sur sa défaite. L’élargissement de la guerre était construit sur les mêmes justifications que celles qui sont fournies aujourd’hui par le Pentagone. Il s’agit, comme hier, de pilonner les «sanctuaires» réels ou supposés des combattants ennemis.
A force de tirer sur la corde d’un régime affaibli et déconsidéré, les Américains vont finir par déstabiliser au-delà de tout contrôle un pays dont la population est loin de leur être acquise.
Par touches successives, la guerre afghane contamine irrésistiblement le grand voisin pakistanais, malade de son système politique et de son armée. Les va-t-en-guerre islamophobes de Washington reprochent d’ailleurs au président Obama de prendre trop de gants avec le Pakistan et souhaiteraient une intervention militaire bien plus importante et directe des Etats-Unis.
La perspective d’un conflit ouvert avec le Pakistan n’est pas une simple vue de l’esprit. Le président Obama avait évoqué cette option et déclaré qu’il n’hésiterait pas à frapper au Pakistan pour éteindre l’incendie afghan. Certains de ses généraux et les milieux ultraconservateurs lui ont rappelé cet engagement et l’ont enjoint de passer à un stade supérieur de la «guerre contre le terrorisme». Barack Obama cédera-t-il à ces sirènes meurtrières ?
2 octobre 2010
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