Ce livre au titre évocateur traite de la problématique algérienne depuis la naissance du mouvement national à nos jours. C’est un ouvrage important pour les jeunes universitaires qui sont à la recherche d’un modèle d’observation et d’analyse de la société
ou qui veulent engager le débat sur les faits de société. Le livre s’adresse aussi à un large lectorat, car il permet de voir les choses de plus près et de comprendre les événements et les phénomènes sociaux qui ont marqué, parfois douloureusement, toute une génération.
A l’exemple de la contestation kabyle d’avril 2001 et d’autres événements antérieurs moins dramatiques. Ce sont d’ailleurs les revendications et les forces drainées par les protestataires, les formes d’expression et d’organisation du mouvement de 2001 mais aussi la gestion de cette contestation qui semblent avoir inspiré Brahim Salhi, l’auteur de l’ouvrage. Ce livre, on s’en rend compte à travers ses 8 chapitres, s’étend sur un vaste champ d’observation et de réflexion. Cela part du mouvement national jusqu’au Printemps noir de 2001, en passant par la première fracture d’avril 1980 et le 5 octobre 1988. C’est surtout l’usage abusif du terme citoyen, qui est fait par les politiques, les médias et les acteurs de la contestation de 2001 en Kabylie qui paraît avoir déclenché le déclic chez l’auteur. En sa qualité d’enseignant- chercheur à l’université de Tizi-Ouzou, B. Salhi s’est senti interpellé par pareil galvaudage. Le terme «citoyen», il entreprend alors de le définir scientifiquement en liaison avec l’identité. C’est l’occasion pour lui de vérifier la relation dialectique et conflictuelle de la citoyenneté avec l’appartenance communautaire et nationale. «La citoyenneté, écrit-il, n’est pas une notion statique achevée une fois pour toutes, c’est une construction historique, dynamique. Elle ne se résume pas à l’appartenance, elle vaut aussi et surtout par les attributs qui lui sont conférés théoriquement et qui sont exercés effectivement.» Sur ce plan, Salhi démontre que l’appartenance communautaire aussi bien que nationale bride la citoyenneté. Le groupe local ou global prime sur l’individu qui n’a pas droit au chapitre. Ces deux notions, citoyenneté et identité en relation complexe, sont, par ailleurs, confrontées, par l’auteur, à la modernité dans les cadres du mouvement national, de la guerre de Libération et dans l’Etat totalitaire qui «nationalise la culture par le haut, efface les expression s particulières au profit d’une culture fondée sur l’unicité de la langue et de la référence religieuse ». Brahim Salhi explique comment l’instrumentation de la religion opère un transfert des valeurs religieuses dans le champ politique pour rogner «systématiquement les attributs de la citoyenneté» et cela comme suite logique «du fraternalisme fusionnel» caractérisant les étapes du mouvement national et de la guerre de Libération. C’est là un livre qui se lit comme un roman avec un style transparent et qui éclaire d’un jour nouveau la crise de 1949 et les événements d’avril 1980 et du Printemps noir de 2001. Par son «observation vigilante et son analyse rigoureuse », soulignées dans la préface du professeur Ahmed Mahiou, ancien doyen de la faculté de droit d’Alger, Brahim Salhi jette une lumière aveuglante sur les sources anciennes de la gouvernance actuelle. Elles se situent dans la gestion du mouvement national et de la guerre contre l’occupant colonial, dans le référent ethno- religieux de l’identité nationale. Les avancées et les reculs de la citoyenneté sont également mis en évidence à travers les erreurs commises dans la conduite des contestations kabyles en particulier.
Y. B.
Algérie, citoyenneté et identité, de Brahim Salhi, Edition Achab, 310 p. préface d’Ahmed Mahiou, doyen de la faculté de droit d’Alger.
Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/10/02/article.php?sid=106750&cid=16
2 octobre 2010
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