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L’histoire ténébreuse du premier pas des Algériens sur leur terre par Kamel Daoud

30 septembre 2010

Contributions

Question fascinante: pourquoi avons-nous été socialistes?Pourquoi ce choix tout juste après l’indépendance? Pourquoi Ben Bella a choisi le voyage vers Cuba et pas chez Kennedy qui lui avait offert une belle voiture ?

Pourquoi s’est-il habillé en Mao et pas avec la cravate ou le burnous de ses ancêtres ? Certes, un si gros effort vers la Libération ne pouvait s’accommoder pour ce peuple que du désir d’une utopie immédiate en 62: nous sommes tous égaux, la richesse sera équitablement répartie, personne ne cirera les chaussures, etc. Pour la question de la propriété de la terre, la solution a été celle du socialisme d’émotion: la terre appartiendra à tout le monde et donc, automatiquement à personne. D’où les nationalisations, les collectivismes. Dans une superbe conférence donnée au Centre des études maghrébines (CEMA), le Pr Nadir Marouf, professeur émérite en anthropologie du droit, université de Picardie – Jules Verne (sujet: «Les fondements normatifs de la relation «Privé-Public» au Maghreb: comparaison Nord-Sud»), a donné une réponse ou des éléments de réponse qui participent autant de l’évidence que de l’anthropologie de fond. D’abord la réponse par la généalogie: les soutiens de la Révolution ont été des pays communistes ou ultra-socialistes. Une sorte de dette a fait pencher la balance vers Marx plutôt que vers George Washington. Dans cet élan, la question de la terre et de sa réappropriation par le peuple, sans léser personne, avait sa solution dans les formules russes et les coopératives chinoises (ou l’inverse). Reste, cependant, la dimension de l’Histoire vraiment nationale, de l’inconscient de tout un peuple. Ici, le professeur a ouvert une piste royale: celle de la propriété par la légitimité symbolique. La terre est le bien «habous» de la Révolution, des Martyrs, donc du Pouvoir qui a libéré le pays selon sa biographie.

Ce n’est plus la terre du arch, de l’individu, de la zaouïa ou du bien wakf avec le titre de propriété que donne la religion ou l’ancêtre, mais celle de ceux qui sont morts pour elle, et donc de ceux qui les représentent. Un Pouvoir représentant des martyrs, comme pouvait l’être un clergé représentant de Dieu dans les anciennes féodalités, expliquera le conférencier. On est encore et toujours dans le symbolique même si on n’est pas dans le religieux. Ce sentiment d’une terre sacrée par l’histoire, et pas par le verset, pèsera sur toutes les réformes tentées sur la propriété et privatisation de la terre. La terre appartient à ceux qui l’ont libérée et ceux qui la travaillent (dans le cadre du socialisme et de l’enthousiasme boumediéniste) en sont les serfs, les usufruitiers, des employés.

Cette idée de la «la terre est à nous» dans la bouche de la caste prévaut même aujourd’hui: elle a su garder légitime une sorte de socialisme mental qui reste encore irréversible. Le chroniqueur se souvient de ce qu’a raconté un ancien haut officier qui avait proposé à Bouteflika de régler définitivement la question de la propriété de la terre. «Si je le leur donne la terre, ils l’a vendront et vendront le pays le lendemain», avait répliqué, exaspéré, l’actuel père de la nation. Ce sentiment de propriété est expliqué par la fonction de gardien d’un pays libéré que s’octroie le Pouvoir. Il explique même ce comportement de méfiance et mépris que gardent les néo-révolutionnaires ou leurs employés dans l’administration envers le «privé» algérien. Et cela va durer longtemps. Car si les «actuels» se proclament gardiens de la terre au nom des martyrs, leurs «fils» se réclament déjà propriétaires au nom de la propriété du père qui était expliqué par la propriété du martyr qui a signé une procuration avant de mourir. Cela va continuer longtemps jusqu’à l’émergence d’un vrai capital privé, d’une révolution par le sang et l’émeute absolue ou par invasion peut-être. D’où vient donc le choix du socialisme ? Du désir d’utopie, de la nature même de la propriété à l’époque de la régence ottomane et de cette habitude de lier encore la propriété à la symbolique, la jouissance à la légitimité, le sacré au droit de récolte. Les révolutionnaires algériens étaient d’abord des ruraux et c’est ce monde rural qui a supporté la plus lourde facture de la guerre. Automatiquement, le phantasme de la réappropriation ne pouvait s’accommoder que d’une sorte de bien commun à tous, antinomique de la propriété «bourgeoise», familiale, urbaine, de l’individu ou du capital privé.

Selon le Pr Nadir Marouf, le socialisme a réactivé l’archétype d’une notion particulière de la propriété et de l’accès à la terre.

Ce n’est pas pour rien que les islamistes du Fis ont commencé par les fameux «Soug Errahma», des sortes de marchés de la charité, très populaires «où le pauvre pouvait acheter quoi manger». Un parfait remake des moments des «origines».

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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