Comment reconnaitre un peuple qui a fait une énorme guerre de Libération ? Soit au détecteur de mensonge (avec les survivants), soit au détecteur d’activité (pour ceux nés après). Passons l’humour : on reconnait un peuple qui a fait une énorme guerre de
Libération en ceci qu’il ne sait plus rien faire d’autre, après et pendant longtemps. Tellement il a été colonisé et tellement il a dû se sacrifier pour décoloniser. L’une des dernières thématiques du pessimisme national est donc de répéter une évidence : il devient de plus en plus difficile de trouver un bon plombier, un plâtrier, un maçon, un bon artisan bijoutier (sauf, cas étrange, celui des cordonniers : il y en a de bons, comme si ce peuple tenait plus à ses chaussures qu’à sa propre terre). Il y a des milliards qui sont investis dans la formation professionnelle mais on n’arrive pas encore à fabriquer des Chinois algériens d’Algérie. On ne peut pas. Il y a un blocage. L’une des réponses est que, chez nous, les trois quarts du peuple sont morts pendant la guerre de Libération. Le un quart a survécu mais la moitié est ancien Moujahid. Et ce n’est pas vrai mais constatable partout. Ancien Moujahid est en effet une mentalité, une grammaire du cerveau, un schéma. Pas un fait d’arme ou un facteur d’âge. Même un jeune né après l’indépendance promène dans le muscle cette fatigue d’avoir abattu trop d’avions avant de naitre et d’avoir fait trop de maquis avant d’être conçu. Tout le monde est fatigué, en somme. D’où deux vocations nationales pour assurer le minimum biologique de l’alimentation: être maire, président, élu, conseiller, journaliste, propriétaire de KMS, agent de sécurité, etc. (c’est-à-dire des métiers assis, peu reliés à la production des céréales et exprimant la puissance et la réussite sur l’obligation manuelle); ou être riche d’un coup, à cause du père ou de la triche. C’est-à-dire être rentier encore une fois.
Les patrons d’entreprises algériennes en savent quelque chose sur le désastre de la ressource humaine dans ce pays. Même l’Etat en importe: des Français pour les banques, des Chinois pour la maçonnerie, des Turcs pour les travaux publics, des Espagnols pour les ruines ou l’agriculture, des Moyen-orientaux pour la téléphonie, des Libanais pour le catering, etc.
Dernière importation en date: l’expertise des Iraniens pour le Hadj comme décidé lors de la rencontre d’un ayatollah en visite cette semaine et notre président de la RADP. Etrange marchandise échangée avec une poignée de main. Car on n’a pas demandé aux Iraniens comment ils fabriquent de l’énergie nucléaire mais comment ils font pour envoyer des pèlerins en Arabie Saoudite, les contrôler, les encadrer, les ramener et à temps. Fascinante coopération, curieuse alliance. Une manière de pousser à se reposer la même question : que savons-nous faire à la fin dans la division internationale du travail ? Que savons-nous fabriquer qui ne se fabrique pas ailleurs ? Le ciel était gris hier, il n’y avait ni réponse ni mouettes. Un bus est passé près du cybercafé. Le vent a changé de côté en se rendormant. Les décolonisations peuvent aboutir à des terrains vagues.
27 septembre 2010
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