Propos recueillis par O. HIND
- Lundi 27 Septembre 2010 – Page : 21
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La polémique du Sila 2010 a défrayé la chronique. Un écrivain et éditeur algérien nous donne son avis.
Quelle est votre position par rapport à
l’interdiction des éditeurs égyptiens au Sila, nonobstant le fait que
l’AFP a annoncé récemment que l’Egypte allait finalement prendre part au
Salon?
Lazhari Labter: Je le dis en articulant que la
position qui a été prise d’interdire des éditeurs égyptiens, elle aurait
pu l’être vis-à-vis d’autres éditeurs, cela n’a aucune espèce
d’importance pour moi. C’est une question de liberté fondamentale
concernant la création, la liberté de pensée, la liberté de circulation.
Si je pars de ce principe, je trouve que quelle que soit la personne,
les personnes ou les institutions qui ont pris cette décision, si jamais
elle ait été réellement prise- puisqu’on dit que l’Egypte prend part
finalement- et si elle venait à être appliquée, je trouve que cette
mesure est stupide et irréfléchie. Elle est contre-productive par
rapport à ce qu’on veut nous montrer de l’Algérie, de ceux qui bougent,
et du dynamisme de l’Algérie et sa liberté. Voila ma position en tant
qu’éditeur et en tant qu’écrivain.
L’Union des éditeurs arabes
a menacé de boycotter le Salon du livre si l’Egypte ne participe pas,
avant le dernier coup de théâtre de Smaïl Ameziane qui a décidé d’offrir
aux Egyptiens quand même un espace. Quel regard portez-vous sur ces
menaces de l’Union des éditeurs arabes?
Smaïl Ameziane connaît
mieux que moi l’Union des éditeurs arabes dans la mesure où il en a été
membre pendant très longtemps. Le devoir même de toute union n’est-il
pas la défense des intérêts matériels et moraux de leurs membres? Bien
sûr que c’est une catastrophe pour les éditeurs égyptiens pour qui
l’Algérie est un marché immense, où ils font beaucoup d’affaires, au
moment du Salon. Il est évident du point de vue commercial. Mais par
rapport à nous, qui sommes des intellectuelles, journalistes, écrivains,
au regard aussi de l’aspect «intellectuel» c’est-à-dire
d’enrichissement, d’échange, il est tout à fait normal et naturel, vu
sous ces deux angles-là que l’Union des éditeurs arabes, en tant que
défenseur des intérêts matériels et moraux des membres et l’Égypte est
membre de cette union, qu’elle se comporte de la sorte. Elle ne peut que
réagir de cette manière-là. Si l’Algérie ou ceux qui ont pris cette
décision d’interdire les Egyptiens, tenaient compte de cet avis ou les
avis qui se sont exprimés pour dire que c’est une mauvaise chose de
l’avoir fait, voire dit, je ne pourrais comme tant de personnes que
saluer cette initiative. On ne peut pas fermer la porte de l’Algérie à
des maisons qui comptent parmi les plus grandes du monde. Un pays, qui
compte le seul prix Nobel du monde arabe, qui est le pays de Alae El
Aswani, un pays qui compte de très grands éditeurs, on ne peut lui
fermer la porte de cette manière, c’est de l’inconscience, de
l’irresponsabilité, de la légèreté. Je serai très content si ceux ou
celles, personnes ou institutions reviennent sur leur décision car en
dernière instance, ceux qui sont perdants ce sont le lecteur algérien,
les écrivains et les éditeurs algériens, et l’Algérie.
Que pensez-vous des menaces de certains membres du Snel de boycotter le Salon si ce dernier ne revient pas à la Safex?
Par
rapport à cette agitation concernant la délocalisation du Sila, n’étant
pas membre du Snel à quelque titre que ce soit, je ne vais pas
commenter cette décision, je ne vais pas commenter ni la position de
ceux qui se sont élevés, contre le bureau et sa décision, ni sur la
décision du bureau parce que c’est un syndicat, il est souverain de
faire ce qu’il veut. C’est aux membres du syndicat de régler les
problèmes entre eux. Par contre, ce que je peux dire, car dans ce pays
on oublie que la délocalisation a commencé l’année dernière et la même
polémique a déjà eu lieu – et je parle cette fois, non seulement en tant
qu’éditeur mais en tant que président du Syndicat professionnel du
livre (SPL)- nous avions décidé de dénoncer la délocalisation du Sila et
nous avions annoncé les raisons par rapport à notre opposition. Nous
étions deux syndicats: le Snel et le SPL. Nous avons demandé une
assemblée générale à la Maison de la presse, nous avons loué une salle
avec l’argent du syndicat et le jour où nous devions nous réunir pour
faire la déclaration des deux syndicats, le directeur de la Maison de la
presse avait dit que la salle était fermée et qu’il ne pouvait pas la
donner, alors qu’on avait le fax de confirmation, c’est-à-dire qu’il y a
eu des pressions pour dire: «Ne leur donnez pas la salle.» Nous avons
été hébergés par la Nouvelle République, nous avons fait notre
conférence à l’intérieur des locaux de la Nouvelle République sur la
même question débattue aujourd’hui, la délocalisation. Or, le Snel,
l’année dernière nous avait lâchés. Nous étions seuls à nous battre en
tant que SPL. Je ne vois pas les raisons de cette agitation autour de
cette question une année après. Il fallait réagir l’année derrière et
avoir le courage à ce moment-là, de dénoncer la mesure. Cela n’a pas été
fait. Les membres du Snel de l’époque, n’ont pas eu le courage de leurs
idées jusqu’au bout alors qu’ils avaient signé avec nous la déclaration
et nous ont lâché à la derrière minute. Madame Abed qui n’est plus là
aujourd’hui, a fait la déclaration du SPL toute seule. J’étais à ses
côtés et les journalistes ont posé toutes les questions. Alors qu’on
arrête avec cette histoire. Moi, je pense que derrière toute cette
agitation, il y a des intérêts autres que la défense des intérêts des
éditeurs. Il y a d’autres calculs. Le débat aujourd’hui est-il vraiment
autour «on ne délocalise ou on ne délocalise pas?» La question a été
prise en charge par l’Etat algérien, on peut ne pas être d’accord, et
dire on participe ou on ne participe pas, et chacun est libre de le
faire. Par rapport à tous les problèmes que vit le monde de l’édition,
jeter cela aujourd’hui en pâture, pour moi, cela revient à jeter une
sorte de voile sur les problèmes réels qui existent dans ce monde-là.
27 septembre 2010
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